Tadjikistan : Vers la rivière Panj et le corridor de Wakhan
En juillet 2018, nous avons réalisé une expédition en 4×4 de Douchanbé à Almaty en Asie centrale.
Dans cet article, je vous raconte la première partie du voyage, depuis Douchanbé jusqu’à Langar, où nous avons longé pendant une bonne partie la frontière afghane.
Notre voyage de trois semaines de Douchanbé à Almaty en 4×4
De notre expédition, de Douchanbé, la capitale du Tadjikistan jusqu’à Almaty au Kazakhstan, j’ai écrit trois articles sur nos impressions de voyage que je vous présente de façon chronologique :
- Partie 1 : Vers la rivière Panj et le corridor de Wakhan au Tadjikistan (Douchanbé à Langar) – Vous y êtes !
- Partie 2 : Traversée des hauts plateaux du Pamir au Tadjikistan (Langar à Tulpar Kul)
- Partie 3 : Traversée des montagnes Tian San au Kirghizstan (Tulpar Kul à Almaty)
Enfin, le quatrième article qui vous explique comment nous avons organisé notre voyage au Tadjikistan et au Kirghizstan.
Tous les textes en couleur corail indiquent un lien interne ou externe.
Mais c’est où Douchanbé ?
Je suis à peu près certain que beaucoup d’entre vous seraient incapables de situer le Tadjikistan et encore moins sa capitale : Douchanbé !
Nous sommes en plein cœur de l’Asie centrale comme vous pouvez le voir sur la carte ci-dessous. Les mers les plus proches sont à près de deux milles kilomètres.
Le Tadjikistan et le Kirghizstan ont des chaines de montagnes avec des sommets à 6000 ou 7000 m. Elles sont situées sur les routes de la Soie entre la Chine et la Turquie. Ce sont d’anciennes républiques soviétiques avec une forte culture musulmane et orientale.
Plutôt fascinant ? Nous allons faire le voyage ensemble pour découvrir cette région du monde encore peu connue.
Douchanbé : l’indolente
Notre découvrons Douchanbé par avion. C’est une ville verdoyante au milieu d’un paysage aride de couleur ocre.
Nous sommes en juillet et une chaleur de 38 degrés tombe sur nous dès la sortie de l’aéroport. Heureusement, le climat sec la rend supportable.
C’est le début du voyage et nous décidons de simplement déambuler dans les rues de Douchanbé sans programme de visites précis.
Ce qui nous frappe est le calme de la ville : peu de voitures et de monde ! Etonnant pour une capitale.
Pourquoi une capitale aussi calme?
Est-ce la chaleur ? Possible, mais contrairement aux pays du Moyen-Orient même le soir, la ville fait encore endormie.
Est-ce le climat politique ? Emomali Rahmon, le président est réélu depuis 1994 toujours confortablement et son fils, Rustam Emomalii, maire de la capitale, est déjà en lice pour prendre sa suite. Inutile de dire que les libertés sont très contrôlées au Tadjikistan et le culte de la personnalité du leader bien visible avec des portraits géants un peu partout dans la ville.
C’est peut-être pour compenser ce côté provincial qu’Emomali Rahmon, a cru bon de construire un immense palais présidentiel qui ressemble à la Maison-Blanche américaine, mais en beaucoup plus grande et devant lequel il a implanté le plus haut porte-drapeau, à 165 mètres, au monde.
Est-ce la pauvreté ? Probablement. Le Tadjikistan est parmi les pays les plus démunis au monde avec un PIB par habitant qui le classe au 160e rang mondial selon le FMI. Nous voyons d’ailleurs peu de restaurants et commerces. Avec la présence de nombreux immeubles résidentiels de type soviétique, nous avons toujours l’impression d’être en URSS avec ses pénuries.
Une ville ombragée et agréable
Grâce à ses larges avenues ombragées et ses parcs, la ville est cependant loin d’être déplaisante. Nous y passons un agréable moment.
Nous dormons à l’hôtel Atlas. Un hébergement avec tout le confort que nous ne retrouverons pas avant la fin du voyage à Almaty.
En route vers la rivière Panj et le corridor de Wakhan
C’est en 4×4 que nous allons nous rendre de Douchanbé à Almaty.
Sherali, notre guide, et Ismaïl, notre chauffeur nous accompagneront pendant toute notre traversée du Tadjikistan jusqu’à Tulpar Kul.
Pour mieux nous suivre j’ai réalisé une carte de notre parcours.
Cet article couvre la première partie de notre trajet jusqu’à Langar :
- De Douchanbé nous avons suivi une longue route d’approche, 365 km, jusqu’à Kalaikum. Après nous n’avons eu droit qu’à des paysages d’exception !
- De Kalaikum à Langar nous avons roulé le long de l’hynoptisante rivière Panj limitrophe avec l’Afghanistan. Nous sommes passeés par la ville de Khorog dont le dynamisme est surprenant au milieu des montagnes du Pamir.
- Nous avons fait aussi deux chouettes randonnées à Geisev et au pied du Pic Engels.
- Nous avons découvert le mystérieux corridor de Wakhan.
la route jusqu’à Kalaikum est longue et un peu monotone. Heureusement, deux centres d’intérêts nous font patienter un peu comme des amuses-bouche !
Notre première halte est au réservoir de Nurek. Nous ne voyons cependant pas le barrage qui est le plus important d’Asie centrale. Il représente un poids économique essentiel notamment pour l’énergie dont a besoin l’industrie de l’aluminium et pour l’irrigation des terres agricoles en aval.
Puis nous passons près de la forteresse de Hulbuk. Elle jouait un rôle majeur vers le 9e siècle, car située à un carrefour d’échanges commerciaux. Nous bifurquons ensuite vers la frontière afghane que nous atteindrons après avoir grimpé vers le col de Shurabad.
La rivière Panj limitrophe avec l’Afghanistan
Du col de Shurabad, nous descendons vers la rivière Panj que nous suivrons pendant près de 700 km et qui est d’une grande importance stratégique, car elle marque la frontière avec l’Afghanistan.
Elle sera notre compagne pendant plusieurs jours et selon la topographie du lieu sera parfois langoureuse et s’étalant dans de larges vallées ou fougueuse dans des canyons étroits.
C’est d’ailleurs très hypnotisant de suivre pendant aussi longtemps la même rivière.
En juillet, son niveau est élevé, puisque de nombreux affluents et ruisseaux la rejoignent alimentés par la fonte des neiges et des glaciers.
La route n’est en général pas très bonne. Des zones asphaltées parfois en excellent état et plus souvent ponctuées d’innombrables nids de poule alternent avec des pistes en terre battue. Le 4×4 est trés utile. Nous roulons pourtant sur l’un des axes les plus importants du pays avec régulièrement des camions qui arrivent de Chine. Notre moyenne ne dépasse pas les 40 km/h.
C’est avec joie que nous croisons une cascade bienvenue vers laquelle nous nous précipitons, à cause de la chaleur qui nous accompagne toujours.
Ce n’est qu’en début de soirée que nous atteignons le village de Kalaikum après avoir parcouru seulement 380 km.
Mais ce n’est qu’une étape, car dès le lendemain nous reprenons la route jusqu’à Geisev.
Nous sommes fascinés de voir l’Afghanistan d’aussi près !
Il faut bien vous rendre compte que l’Afghanistan est juste de l’autre côté de la rivière. La frontière est au milieu de celle-ci.
Sur l’autre côté de la rivière Panj, nous apercevons souvent distinctement des villages et des Afghans circuler ou vaquer à leurs occupations agricoles.
C’est assez fascinant de voir d’aussi près un pays qui malheureusement fait depuis plus de 20 ans la une de nos journaux pour son actualité dramatique. Ce que nous notons donne un visage beaucoup plus paisible du pays.
Au sud de Khorog il y a même, une fois par semaine, un marché où les Afghans et les Tadjik se retrouvent.
A posteriori, on comprend l’inquiétude du Tadjikistan d’avoir les Talibans comme voisins. C’est pourquoi, Il faut un permis spécial pour se rendre dans l’Oblast autonome Gorno-Badakshan (GBAO).
De nombreux check-points rythment notre voyage. Nous remarquerons que notre chauffeur glisse régulièrement un petit billet pour faciliter les contrôles.
Randonnée vers la vallée de Geisev : une oasis dans la montagne
C’est donc avec grand plaisir qu’en début d’après-midi de ce deuxième jour de route que nous abandonnons le 4×4 pour nos chaussures de randonnée. La balade commence par un pont à l’« Indiana Jones » qui enjambe la rivière Bartang, un affluent du Panj.
Nous sommes tout excités lorsque les premiers sommets enneigés apparaissent devant nous. Nous ne le savons pas encore, mais nous allons en voir de beaucoup plus spectaculaires au cours de notre voyage !
Cette mise en jambe est bien agréable. La vallée monte paisiblement sur 500 m de dénivelé dans un paysage aride avant que nous arrivions à un hameau au milieu de plantations de blé encore vert. Notre hôte, Gulsha, nous accueille et nous installe sur une petite véranda ombragée, car c’est l’heure du thé !
Nous sommes dans l’un des endroits les plus isolés de la planète, dans une région de montagnes rudes et inhospitalières.
Cette petite vallée agricole à 2500 m d’altitude nous donne la sensation d’être une petite oasis ! Nous y serions bien restés plus longtemps.
En route vers Khorog
Le lendemain, nous redescendons au pont suspendu retrouver notre chauffeur Ismaïl. Une longue route nous attend. Mais pour commencer, une fête nous accueille dans le village de Shadud. Les femmes dansent joyeusement alors que les hommes restent accroupis avec un air dédaigneux.
Nous apprenons que nous fêtons le 60e anniversaire de règne de l’actuel Aga Khan, chef spirituel des ismaéliens qui sont la raison de ces danses.
Khorog : une ville dynamique au milieu de nul part !
Khorog est une petite ville dynamique à 2200 m d’altitude d’environ 28 000 habitants. Elle nous semble tout à fait ordinaire et nous avons du mal à imaginer que nous sommes à 12 heures de voiture de la capitale et que l’Afghanistan est juste en face !
L’Aga Khan a financé un tout nouveau Centre Ismaélien qui a fier allure au milieu des nombreux peupliers. Ici, la confession ismaélienne est majoritaire. C’est un islam beaucoup plus doux que celui pratiqué par les talibans.
Nous arrivons à Khorog par l’aéroport juste à temps pour voir l’avion de Tajik Air, un Antonov An-28, décoller pour Douchanbé. J’avais bien envisagé que nous l’empruntions. Cela nous aurait fait économiser deux jours de route, permit de découvrir les montagnes du Pamir à basse altitude et avoir le fun de voler dans un avion vintage non pressurisé ! Si vous voulez voir à quoi ça ressemble allez voir la vidéo postée par Dan et Audrey ou celle réalisée par Zemia. Génial mais effrayant aussi !
Mais le vol est souvent annulé et aussi nous avions préféré l’éviter.
En quittant Khorog, nous apercevons une statue de Lénine, majestueuse dans son cadre de montagnes, pour nous souhaiter bonne route.
Le mystérieux couloir de Wakhan
Le paysage est toujours aussi magnifique. Le fond de la vallée, verdoyante et riante, contraste avec l’aridité des montagnes.«
Après une centaine de kilomètres, nous bifurquons, comme la rivière Panj, dans le fameux corridor de Wakhan, qui est une particularité historique.
Si vous observez une carte, vous constaterez une excroissance de l’Afghanistan au nord-est. Son origine remonte au XIXe siècle lorsque les Anglais décident de confier aux Afghans ce territoire pour éviter une frontière commune entre l’Empire russe au nord et l’Empire colonial britannique au sud.
Depuis, le Pakistan a pris son indépendance, mais le tracé des frontières est resté.
Le corridor est extraordinaire.
Imaginez une large vallée fluviale quasiment inhabitée et encadrée par des montagnes de 6000 à 7000 mètres de haut.
Difficile de faire plus majestueux ! Les photos ne rendent qu’une petite impression de ce que nous découvrons.
Il y a peu d’endroits dans le monde où vous pouvez apercevoir autant de pays différents d’un même lieu : Tadjikistan, Afghanistan, Pakistan et Chine !

Fort de Yamchun du XIIe siècle
Nous avions mal calculé notre itinéraire et nous regrettons de ne pas avoir programmé une étape intermédiaire avant notre hébergement du jour prévu à Langar.
Il nous faut près de 7 h depuis notre déjeuner à Khorog par une piste pas toujours en excellent état. C’est donc fatigué et un peu frustré que nous arrivons en début de soirée à notre destination.
Nous prendrons le temps de nous balader dans les ruines du fort de Yamchun du XIIe siècle. Le site est assez fabuleux car nous sommes sur la frontière avec l’Afghanistan. Des soldats sont là pour surveiller le lieu.
Par contre, nous ferons l’impasse sur la visite des sources thermales de Bibi Fatima que nous aurions bien appréciées après une aussi longue route !
Randonnée vers le pic Engels 6510 m
Le jour suivant c’est avec un grand plaisir que nous abandonnons le 4×4 pour une vraie randonnée bien physique ! Je vous rassure nous n’irons pas jusqu’en haut du pic Engels à 6510 m, mais notre objectif est d’aller jusqu’à une prairie qui s’étend à son pied et d’où la vue est juste magnifique.
Pendant que les bagages sont arrimés sur des ânes, Sherali nous briefe pour notre excursion de deux jours vers le premier campement des alpinistes qui font l’ascension du pic Engels : « We will start with a short warm-up in the valley, then we will have a slightly steep climb, but the rest of the ride is cool ».
Il oublie juste de nous dire que la montée « un peu raide » présente un dénivelé de 1200 mètres qui nous fera atteindre une altitude de près de 4000 mètres et un sentier qui s’élève presque à la verticale !
En nous retournant, nous admirons les montagnes du Pakistan. Nous longeons ensuite un ruisseau canalisé avec notre fidèle âne qui porte nos bagages.
D’ailleurs, en arrivant sur le plateau, où nous allons camper, je commence à ressentir le mal de l’altitude avec maux de tête et nausées. Je me couche vite pendant que Jean-Philippe part à la découverte des lieux.
Ce n’est qu’après une bonne nuit que j’apprécierai le cadre grandiose avec au fond le pic Engels. Nous serions bien restés une journée de plus pour davantage en profiter.
Peintures rupestres
À la descente, Sherali fait un petit détour pour nous montrer des gravures rupestres.
Un moment d’émotion d’imaginer des peuplades dans ce cadre de montagnes qui a peu changé depuis leur existence.
Nous sommes de retour à Langar en fin de matinée.
Nous avons une discussion avec Sherali et Ismaïl pour réorganiser notre circuit afin de mieux équilibrer les heures de route et les balades.
Nous préférons voir moins de choses, mais éviter des étapes de 10 heures de route comme Geisev/Langar que nous avons trouvé abrutissant. Nous apprécions l’écoute et les propositions de nos compagnons de voyage.
A la découverte des hauts plateaux du Pamir
Nous reprenons la route vers le col de Khargush à 4344 m. La suite de nos aventures sont à lire ici
Bonjour Jacques
Super tes voyages et bloges. Continue a nous faire tever et qui sait un jour on ira nous meme dans une des regions
Merci Soline !
Je me suis plus d’une fois installé exactement au même endroit à Bartang que la photo où on voit le repas la théière 🙂
Quant à la randonnée vers le pic Engels, je suis un peu jaloux là. Je ne m’étais pas aventuré aussi haut.
Bonjour Jacques,
Merci, je ne connaissais pas du tout. j’ai su très récemment où était le pays en cherchant d’où venaient les esclaves circassiens d’Égypte. J’ai aussi cherché l’origine du suffixe « Stan » à la fin du nom de plusieurs pays.
Amicalement
Pascale
Hello Pascale,
C’est une bonne question 🙂 D’après mes recherches le suffixe -stan veut dire lieu en Persan. Tadjikistan ou Afghanistan veut donc dire la terre des Tadjiks ou des Afghans ! Mais tu as du aussi trouvé la même explication.