Voyage au Yémen en 1983
Au début des années 80, j’ai eu l’occasion d’accompagner un groupe de touristes au Yémen du Nord, un pays aujourd’hui en guerre et qu’il est formellement déconseiller de visiter.
Je vous raconte ce voyage qui était encore une vraie aventure ! Les photos ont un peu jauni mais elles sont d’époque.
La France est à l’heure du carnet de change
Nous sommes en 1983 : Yannick Noah a remporté la finale de Roland Garros, le professeur Montagnier a découvert le virus du sida, Frank Ribéry nait et Louis de Funès décède, la ligne TGV Paris Lyon est enfin totalement ouverte. Ronald Reagan est président des États-Unis et, après l’euphorie de l’élection de François Mitterrand en 1981, c’est l’heure des désillusions. Le Premier ministre, Pierre Mauroy, annonce un programme d’austérité avec, entre autres, un contrôle des changes.
Les Français ne peuvent plus voyager à l’étranger comme ils le souhaitent et leurs dépenses en devises sont restreintes à 2000 francs par personne. Cela revient à les obliger à prendre leurs vacances en France. Or, j’ai 21 ans, je suis encore étudiant avec des moyens financiers limités mais mon envie de découvrir le monde me titille. Comment faire ?
Je deviens accompagnateur chez Nouvelles Frontières
Je décide d’aller trainer mes guêtres chez Nouvelles Frontières. Dans les années 80, ce tour-operator fait beaucoup parler de lui. Son fondateur, Jacques Maillot, se bat pour une démocratisation du voyage. Pour réduire les coûts, les voyages sont organisés sous forme de petits groupes avec un accompagnateur bénévole. Ce dernier, en échange de la gratuité de son voyage, s’occupe de sa préparation et de la gestion du budget. Il fait aussi l’interface avec les prestataires locaux. Je candidate pour devenir l’un d’eux.
Coup de chance ! On me propose de partir accompagner un groupe au Yémen. Nous sommes en octobre et cela correspond aux vacances universitaires. Je dis oui sans hésiter malgré mon inexpérience dans les voyages !
Mon groupe est constitué d’une dizaine de touristes et notre circuit se fera avec deux Toyota 4×4 conduites par des chauffeurs yéménites. Nouvelles Frontières me confie un budget qui couvre la location des voitures, l’hébergement et les repas. Libre à moi d’organiser le circuit comme bon me semble avec l’accord de mon groupe. C’est l’esprit des circuits aventure : pas de programme prédéfini, pas de réservation d’hôtels. À moi de me débrouiller.
Or voyager au Yémen en 1983 était encore une véritable aventure. Mes sources d’information se limitaient à un chapitre très succinct d’un guide du routard sur le Moyen-Orient et les rapports des accompagnateurs Nouvelles Frontières qui m’avait précédé. Le minitel débutait à peine et internet n’était qu’un concept futuriste.
Notre périple de deux semaines se déroula selon l’itinéraire suivant :
- Voyage avec Syrian Arab Airlines
- Sanaa : la perle d’Arabie
- En route vers Taïz
- Vers la mer Rouge et la plaine côtière de la Tihama
- Le marché de Bait al Faquih
- Manakha au coeur du Djebel Haraz
- Vers Saada : la ville du nord
- Retour vers Shibam et Thula
Tous les textes en couleur corail indiquent un lien interne ou externe.
Nous partons avec Syrian Arab Airlines
L’aventure commence dès Orly. Le petit groupe que j’accompagne se retrouve au comptoir d’enregistrement de la compagnie Syrian Arab Airlines. Il y a foule autour de nous, essentiellement des jeunes habillés tendance hippie : jeans larges, des T-shirts et vestes tailles XXL dans toutes les couleurs les plus vives possibles. Nous sommes surpris, car nous ne savions pas que la Syrie était devenue une halte sur la route de Katmandou ! Nous comprendrons plus tard qu’ils continuent vers l’Inde avec simplement un vol en correspondance à Damas.
Comparés à aujourd’hui, les contrôles de sécurité en aéroport sont très légers en 1983. Al Qaida ne détruira les tours jumelles que 19 ans plus tard.
Accueil à bord à la syrienne !
Nous arrivons vite à notre vieux Boeing 727 qui est déjà là. L’embarquement peut commencer. Surprise, on nous demande de descendre par un escalier sur le tarmac puis monter dans l’avion par la porte arrière qui se situe dans le prolongement du fuselage. Une longue queue se forme, car chaque passager fait l’objet d’une fouille par les stewards et hôtesses. Pas de sourire, pas d’accueil…
Il faut dire que l’année précédente l’armée syrienne, sous les ordres de Hafez al-Assad, le père du dirigeant syrien actuel, a procédé à un massacre de plusieurs dizaines de milliers de personnes à Hama dans le cadre d’une insurrection des Frères Musulmans.
(Crédit photo : Konstantin von Wedelstaedt)
À 10 h 30, nous nous envolons enfin vers Damas avec une escale à Rome. Le vol se passe sans histoire et nous avons même droit à un repas chaud avec le traditionnel poulet des compagnies aériennes. À 17 h 50, nous apercevons les lumières de Damas déjà dans l’obscurité.
À peine débarqués, la grande majorité de nos voisins de vols se précipitent vers le Boeing 747 qui les emmènera vers Delhi. Pour notre part, nous apprenons que notre correspondance pour Sanaa est prévue tard dans la nuit.
En compagnie des pèlerins pour la Mecque
Nous essayons de tuer le temps dans un aéroport désert, sans la moindre boutique pour nous distraire. Ce n’est qu’à deux heures du matin que nous embarquons pour Sanaa. Les passagers ont bien changé autour de nous. Nous nous retrouvons perdus au milieu de pèlerins en partance pour la Mecque. En effet, notre vol fait escale à Djeddah. Pas de valises à roulettes, mais des baluchons de toutes sortes dans les racks à bagages !
Enfin, Sanaa au petit matin. Nous sommes épuisés, mais émerveillés ! La capitale yéménite, au pied du djebel Nogoum, toute en couleur ocres, se découvre à nous lors de la descente.
Sanaa : la perle d’Arabie
À peine sortis de l’aéroport, nous sommes dans l’ambiance. Nous voyons peu de femmes, dont certaines entièrement recouvertes d’un voile noir, et beaucoup d’hommes dans leurs tuniques traditionnelles. Le visage plutôt sévère, ils portent un étrange poignard courbé au niveau de la ceinture : le djambia. Nous sentons qu’il ne vaut mieux pas trop plaisanter avec les coutumes guerrières et tribales du Yémen.
Notre hôtel est d’un confort très restreint. Pas d’eau chaude et les sanitaires se limitent à un trou dans le sol dans lequel nous jetons un seau d’eau à la place de la chasse ! Ce sera le cas à peu près partout dans notre périple yéménite. De toute façon, à part dans les grandes villes, il n’y a rien d’autre. Voyager se mérite !
Nous visitons la vieille ville
Malgré la fatigue nous partons à la découverte de la vieille ville. On se croirait dans les contes des mille et une nuits. Les maisons sont en pierres ou en terre battue de couleur ocre et les fenêtres sont joliment décorées avec un pourtour blanc qui les font ressortir.
Avec les toits plats et ses immeubles en hauteur, jusqu’à 6 ou 7 étages, cela donne à Sanaa un petit air de ville américaine version Moyen-Orient ! L’architecture est l’un des principaux attraits pour visiter ce pays. Autrefois, la vieille ville était entourée de remparts, mais qui ont presque tous disparu il y a fort longtemps déjà.
En 1983, le quartier faisait encore très authentique. Un programme de rénovation a été entrepris dans les années 90 qui semble avoir retiré une partie de son charme à Sanaa par son côté trop léché. Mais avec la guerre qui sévit depuis 2014 je n’ose imaginer dans quel état se trouve aujourd’hui la ville que j’ai découverte…
Avant d’aller nous coucher nous visitons le souk Bab el-Yemen : une véritable plongée dans le temps ! Le marché est immense avec ses boutiques de toutes sortes : fruits, légumes, viandes à même le sol, quincailleries, vêtements, forgerons… une vraie caverne d’Ali Baba. Nous sommes les seuls touristes.
Sanaa est à environ 2200 m d’altitude. Les nuits sont vite fraiches.
Et maintenant en route vers Taïz
C’est à l’appel du muezzin que nous nous réveillons. Nos chauffeurs, Mohammed et Ashwall, patientent avec deux Toyota 4×4 flambants neuves. Une longue étape, 260 km, nous attend jusqu’à la grande ville du sud : Taïz.
Nous commençons par grimper vers le col de Yislah. À partir de là, nous serons dans des paysages verdoyants et nous remarquons de nombreuses cultures, dont certaines, en terrasses. Nous sommes dans le grenier du Yémen. D’ailleurs, le ciel est plutôt nuageux et nous aurons même droit à quelques gouttes de pluie. Les paysages autour de nous sont subtropicaux.
Sur le chemin, nous nous arrêterons à Ibb et surtout au village de Djiblah célèbre pour ses minarets. Nous avons l’impression de remonter dans le temps. Les souks, les rues mal pavées sont médiévaux. Malheureusement, le cadre est un peu gâché par la saleté. Les sacs plastiques et multicouleurs gisent partout.
Le soir, nous nous retrouvons à Taïz, la deuxième plus grande ville du pays. Nous goutons à la fondue yéménite : du pain à tremper dans une bouillie de haricots épicés !
Vers la mer Rouge et la plaine côtière de la Tihama
Nous ne pouvons aller jusqu’à la mythique Aden comme nous l’aurions rêvé. En 1983, L’actuel Yémen est encore divisé en deux pays : La République démocratique populaire du Yémen au Sud et la République arabe du Yémen au Nord que nous parcourons. Nous bifurquons donc vers l’Ouest pour nous rendre vers la mer Rouge.
La mer Rouge : un nom évocateur de rêves et de voyages.
Nous sommes encore la génération qui a lu les aventures d’Henri de Monfreid. Un contrebandier français qui se convertit à l’islam et vit de trafics grâce à son boutre qui navigue sur la mer Rouge. Son ami Joseph Kessel le persuade de devenir écrivain.
Fort de ces lectures, nous sommes d’autant plus déçus de ce que nous découvrons. La plaine côtière, la Tihama, est plate et inhospitalière. La première ville que nous visitons au bord de la mer est Mokha. Son nom sonne comme le café, mais elle est sans intérêt. La chaleur est accablante. Pour couronner le tout, nous nous disputons avec les chauffeurs qui nous imposent de déjeuner dans un relais routier à la limite du sordide.
Khawkhah l’africaine
Nous arrivons à al Khawkhah, un petit bourg maritime. L’ambiance est plus africaine et l’architecture moins spectaculaire que dans les montagnes. Ce sont essentiellement des cases ou des maisons en mauvais état.
Ne trouvant pas d’hébergement convenable, le groupe décide de s’installer dans une palmeraie au bord de la mer pour passer la nuit à la belle étoile.
Nous enfilons nos maillots de bain et nous précipitons dans l’eau, trop heureux de nous rafraichir. Grosse surprise : la mer est à plus de 30 degrés ! Quelques flaques de mazout nous obligent à rapidement sortir. Nous nous consolons en allant admirer les boutres, ou épaves, échoués sur la plage.
Puis nous nous assoupissons vite après cette journée, mais cela ne dure pas ! Chant d’un coq en décalage horaire à minuit, aboiements de chiens incessants, fêtes de Yéménites avec les radios à fond et un orage juste avant le lever du soleil.
Au petit matin, le groupe se réveille hagard et de mauvaise humeur. Je suis le seul à avoir bien dormi. C’est l’avantage d’avoir 21 ans. A cet âge on dort n’importe où.
Nous visitons le marché de Bait al Faquih
Nous sommes un vendredi et c’est jour de marché à Bait al Faquih. C’est l’un des plus connus et des plus anciens du Yémen. Il a longtemps servi de plaque tournante entre le port de Mokha et le reste du pays pour le commerce du café.
Dans mes souvenirs, Bait al Faquih est l’un des marchés les plus extraordinaires que je n’ai jamais visités à travers le monde. Peut-être, parce que c’était l’un de mes tout premiers voyages ?
En tout cas, ce jour-là, mon groupe est sous le charme. Les désagréments de la veille sont oubliés et nous nous laissons guider par tous nos sens. L’odeur du pain chaud se mêle à celle de la paille utilisée pour la vannerie. Les coups de marteau des forgerons sont rythmés par les beuglements des bestiaux. Les poseurs de ventouses, comme du temps de Molière, nous subjuguent. Les coiffeurs nous font des clins d’œil pour nous attirer.
Bienvenue chez le Cheick Ali
Le soir nous sommes hébergés par le Cheick Ali, un dignitaire local à la barbe fournie. Après un repas copieux, nous dormons paisiblement à la belle étoile dans sa cour bien protégée. Le groupe a retrouvé le sourire. Nos chauffeurs se reposent en fumant le narguilé.
L’apogée du voyage : Manakha au cœur du Djebel Haraz
Le lendemain, nous repartons vers les montagnes et leur climat plus frais et venté. Au fur et à mesure de notre progression, nous nous sentons ragaillardis. Manakha, au cœur du Djebel Haraz, est notre étape du jour.
C’est la région qui offre les plus belles images du pays. On se balade de village en village de préférence à pied. Ils sont tous perchés de façon spectaculaire sur des pitons rocheux. Nous resterons deux jours sur place, ce qui, avec le recul, n’est pas assez. Nous aurions dû moins rouler et mieux découvrir certaines régions. À 21 ans, je n’avais pas encore l’expérience du voyage qui m’aurait permis de convaincre mon groupe d’explorer le pays différemment.
Le clou de notre séjour est la visite du village d’Al Hajjarah, spectaculaire sur son piton rocheux. Imaginez des immeubles de cinq à six étages au bord d’une falaise de plusieurs centaines de mètres. De quoi avoir le vertige !
Nous sommes invités à un mariage
Nous arrivons lors de la célébration d’un mariage auquel nous sommes gentiment conviés. Uniquement, les femmes de notre groupe pourront rejoindre la future mariée. Nous concernant nous ne verrons que le marié, un beau garçon (le quatrième sur la photo en partant de la gauche), qui lui non plus ne connaît pas sa promise ! Les danses se font, entre hommes, avec le djambia comme accessoire.
Il est évident que nous avons été invités car la fréquentation touristique du Yémen était encore faible. Comme partout, à cette époque, nous sommes les seuls touristes. Les rencontres avec les Yéménites sont spontanées et donnent lieu à de vrais échanges malgré la barrière de la langue.
Nuit dans un funduk
À Manakha, il n’y avait pas d’hôtel en 1983. Nous couchons dans un funduk. Une auberge, mais qui ressemble plus à un logement chez l’habitant.
Nous avons à notre disposition une grande pièce avec une banquette qui courre tout le long du mur. Les tapis recouvrent la totalité du sol. Il faut naturellement se déchausser avant de rentrer. C’est dans celle-ci, que mon groupe dormons et dinons ensemble sans beaucoup d’intimité.
Les sanitaires sont bien sûr très rudimentaires… et odorants ! Le voyage était encore synonyme d’inconfort. Ce n’était pas une question d’argent, il n’y avait tout simplement pas le choix.
Nos repas au cours du périple sont dans l’ensemble consistants, mais peu variés. Du riz, une sorte de ragout, des œufs et des gâteaux au miel savoureux. Nous nous servons dans le plat collectif avec le pain comme cuillère et en utilisant naturellement que la main droite. La gauche étant réservée à un autre usage !
Vers Saada : la ville du nord
Après être repassés par la capitale Sanaa, nous poursuivons vers Saada qui se situe à moins de 60 km de l’Arabie Saoudite. La route est longue, près de 6 h, et le paysage de plus en plus désertique.
Nous rentrons dans un autre monde. L’architecture en pierre est remplacée par le pisé. La ville a encore des remparts qui permettent une agréable promenade.
Les habitants font plus fermés que dans le sud. Nous remarquons aussi que beaucoup sont armés, n’hésitant pas à se balader avec la kalachnikov en bandoulière. Inutile de dire qu’il vaut mieux être prudent pour prendre des photos.
Nous sommes dans la région Zaïdiste qui revendique déjà une autonomie par rapport au reste du pays. Ce sera l’une des sources des conflits armés que le Yémen connaitra quelques années après notre visite.
Le climat est plus chaud et aride que dans les régions plus montagneuses du centre. Nous sommes presque à la frontière avec l’Arabie Saoudite.
Le khat : une instution yéménite
L’après-midi, nous ne pouvions compter sur nos chauffeurs. Comme toute la population au Yémen ils se consacraient à la mastication du khat.
Allongé lascivement, les Yéménites ingurgitent des feuilles de khat qu’ils mâchent ensuite longuement pour en éprouver des effets légèrement euphorisants.
Nous l’essayons bien sûr, mais sans être convaincu car on ne ressent rien d’immédiat. De plus, le gout est très amer, et il faut boire beaucoup de coca pour l’adoucir.
Le khat au Yémen était une institution non sans conséquence sur la santé et l’économie. Un tiers des terres cultivées était consacré à cette plante dans les années 80. Le khat représentait une grosse dépense et nécessitait une logistique importante, car il doit être consommé frais et cueilli le jour même. Pour toutes ces raisons, il a été interdit dans d’autres pays. Avec la guerre je ne sais pas si cette coutume est restée.
Visite de Shibam et Thula avant le retour en France
Notre périple touche bientôt à sa fin. Nous décidons de visiter quelques localités dans les montagnes autour de Sanaa. Les points de vue vertigineux, les cultures en terrasses, les villages tels des forts accrochés sur des pitons rocheux nous subjuguent toujours autant. Nous allons notamment à Shibam et Thula.
Fin du circuit et envol vers Orly
Un voyage de deux semaines est très court dans un pays comme le Yémen. C’est donc un peu frustré que nous retournons à Sanaa.
Le vol retour s’effectue comme à l’aller avec Syrian Arab Airlines via Djeddah, Damas et Rome. En descendant de l’avion le contraste de développement entre la France et le Yémen est saisissant. Mes cours à la fac de Paris Dauphine m’attendent sans aucune transition !
Bilan du voyage
À 21 ans, ce voyage fut pour moi un grand défi.
Nos deux chauffeurs yéménites ne parlaient pas anglais et ne comprenaient pas trop ce que désiraient visiter des touristes. Il me fallut des heures de négociations pour obtenir d’eux qu’ils nous emmènent là où le groupe le souhaitait.
Ils m’apprirent que leur Toyota était l’équivalent du prix d’une femme !
Un groupe de Baby-boomers exigeant
La dizaine de touristes que j’emmenais avait entre 35 et 45 ans. Soit le double de mon âge ! Ils étaient les premiers enfants du Baby-boom.
Tous avaient déjà un peu bourlingué et ils eurent du mal à accepter un accompagnateur aussi inexpérimenté que je ne l’étais. Ils s’attendaient à que je connaisse le pays et que je les guide. Or mon rôle d’accompagnateur était plus d’être un facilitateur et un coordinateur.
De mon côté, je fus plutôt surpris de leur attitude consumériste. Par leurs réactions, je ressentis que pour eux ce voyage était plus une prestation fournie par Nouvelles Frontières qu’une aventure avec son lot d’imprévus.
Un budget très juste
De plus, Nouvelles Frontières m’avait alloué un budget très serré pour un tel voyage. Je dus le gérer au rial près et je n’étais pas toujours à l’aise de devoir me battre pour obtenir un rabais équivalent à quelques francs qui représentait peu pour mon groupe de touristes occidentaux et beaucoup pour les Yéménites.
Cette aventure me fit grandir et m’apprit beaucoup. Elle fut fondatrice des voyages à venir de ma vie.
Qu’est devenu le Yémen 40 ans après ?
Près de 40 ans plus tard je me doute que le pays a énormément changé. Le Yémen a d’abord connu un développement économique important dans les années 2000 puis la guerre. Au de-là des souffrances humaines, j’espère que l’exceptionnel patrimoine du pays n’a pas été trop saccagé.
À vous d’y aller ? Malheureusement, non…
Le Yémen est aujourd’hui un pays inaccessible. En 2021, il est dans sa septième année de guerre civile. La situation est dramatique.
En 2014, les Houtis, une tribu du nord-ouest du Yémen et proche de l’Iran a conquis la capitale Sanaa. Depuis, ils affrontent les forces loyalistes sunnites, soutenues par l’Arabie Saoudite. Le pays, qui était déjà l’un des plus pauvres au monde, a sombré dans l’anarchie. 80 % de la population dépend de l’aide humanitaire pour survivre.
Tous les indicateurs sont au rouge. L’analphabétisme important, les libertés peu respectées comme le mentionne un rapport d’Amnesty.
Aujourd’hui aucune perspective encourageante n’est en vue. La crise du Covid n’a bien sûr rien arrangé.
Vous pouvez, si vous le souhaitez, aider les Yéménites en faisant un don auprès de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNCHR).
رحم الله اليمن !
Puisse Allah avoir pitié du Yémen !
Merci et bravo Jacques de nous faire découvrir un peu du Yemen. J’espère pouvoir y aller un jour!
Amicalement
Pascale
Merci Pascale. Je crains qu’il va falloir attendre longtemps.
Bonsoir , j etais au Yémen e n 1981 a 1983…sur le chantier du sheraton hôtel. Que de souvenirs à travers votre carnet de voyage. Encore merci.
Merci. Espérons que nous pourrons y retourner un jour !
Quel plaisir de refaire ce voyage avec Jacques. J’y suis allé avec trois amis en 1976 sur quasiment le même parcours et j’en garder un souvenir extraordinaire. Je suis content d’avoir pu voir quelques photos car j’ai perdu toutes les miennes …
J’ai toujours de l’affection pour un petit garçon rencontré dans un village perdu de montagne. Vêtu d’un simple short, il nous a offert des figues de barbarie qu’il est allé chercher pieds nus en grimpant dans un figuier cinq fois plus grand que lui tout en brisant les épines à l’aide d’une simple pierre pour ne pas se blesser … puis il nous a chanté « frère Jacques »
Qu’est il devenu aujourd’hui ? Que va devenir ce pays ?
Merci Michel pour ce partage !
Que de beaux souvenirs au Yemen où j’ai guidé des groupes d’abord pour NF en 1977 puis pour Kuoni dans les années 80. J’ai eu la chance de devenir guide accompagnatrice professionnelle ce qui m’a permis de parcourir le monde pendant une bonne dizaine d’années. Je garde en mémoire du Yémen et de son peuple des images belles et fortes comme celles décrites dans ton récit Evelyne Daudé