Berlin – Paris en train de nuit : j’ai testé le Nightjet menacé de disparition
Paris – Berlin – Paris : deux trains directs, l’un de jour en ICE, l’autre de nuit en Nightjet
La France et l’Allemagne sont deux pays profondément interconnectés, tant sur le plan économique que politique.
Pourtant, leurs capitales respectives, Paris et Berlin, n’étaient plus reliées par un train direct quotidien depuis 2014.
Les choses ont évolué avec le lancement du train de nuit, le 11 décembre 2023, puis du train de jour direct, le 16 décembre 2024.
Lors de mon voyage à Berlin, en octobre 2025, j’ai voulu tester ces deux liaisons complémentaires : j’ai donc pris l’ICE de jour à l’aller et le Nightjet de nuit au retour.
Mon trajet aller de Paris à Berlin en train de jour fait l’objet d’un premier article.
Celui-ci est consacré à mon retour en train de nuit, à bord du Nightjet.
Je vous y raconte d’abord mon voyage en voiture-lit de Berlin à Paris, puis je partage mon verdict, tel que je l’ai vécu,
avant de livrer mon analyse sur l’avenir incertain du train de nuit Paris–Berlinet les pistes pour le sauver.
Tous les textes en couleur corail indiquent un lien interne ou externe que je vous invite à cliquer.
Berlin — Paris en train de nuit avec le Nightjet
Je suis parti en train de jour, avec l’ICE de Paris à Berlin. J’y ai ensuite séjourné cinq jours pour découvrir cette ville.
Mardi 14 octobre 2025, c’est déjà le moment du retour et je suis tout excité, car je vais prendre le train de nuit Berlin — Paris en voiture-lit ! Ma passion pour les trains de nuit date de ma jeunesse où j’y travaillais comme accompagnateur.
Le train est prévu partir à 19 h 08 de Berlin pour arriver le lendemain à 9 h 38 à Paris gare de l’est. Un horaire très confortable pour bien profiter de la nuit.
Jusqu’en 2014, Berlin – Paris bénéficiait d’une liaison de nuit quotidienne. Elle fut interrompue pour des question économiques et il il a fallu attendre 2023 pour sa réouverture.
Elle est exploitée par les ÖBB, les chemins de fer autrichiens, en coopération avec la DB, les chemins de fer allemands, et la SNCF. Le train de nuit se nomme un Nightjet.
Par une soirée pluvieuse et bien automnale, une heure avant le départ, je me rends à la gare Centrale de Berlin (Hauptbahnhof), pour prendre le temps de visiter cette gare remarquable que je présente dans le premier article de mon voyage à Berlin en train.
Le Nightjet Paris Berlin : un train qui ne fait plus tout jeune
Prévu au quai 13, le train arrive finalement au quai 14. Le changement n’a été annoncé que quelques minutes avant le départ. Un peu stressant dans une grande gare comme Berlin, où les trains défilent sans discontinuer.
Heureusement, le Nightjet est reconnaissable avec sa livrée bleue soulignée d’un liseré rouge. De l’extérieur, le train fait vraiment son âge : la peinture est passée, les encadrements en inox sont piqués, et les fenêtres, voilées par la saleté, ne sont guère engageantes.
En montant à bord, mon impression est bien meilleure. L’aménagement de ma voiture-lit est certes ancien, mais soigneusement entretenu. Elle a été construite par Siemens pour la DB entre 2003 et 2005.
Deux catégories de voiture-lits
Ma voiture-lit est de conception classique, avec douze compartiments, selon un aménagement similaire à celui des voitures-lits de type MU, dans lesquelles j’ai travaillé dans les années 1980.
Il existe deux catégories de compartiments dans les voitures-lits : Standard et Deluxe.
Dans la catégorie Standard, les toilettes et la douche sont communes à une extrémité de la voiture, avec seulement un petit lavabo dans le compartiment.
Dans la Deluxe, les WC et la douche sont privatifs, dans une mini salle de bain attenante.
Tous les compartiments sont modulables : un à trois lits en position nuit et trois fauteuils en position jour avec une table.
Des compartiments à partager en voiture-lits : un concept dépassé
Dans les deux catégories, il est possible de réserver un lit dans un compartiment à partager avec un ou deux voyageurs inconnus. Les cabines sont mixtes, sauf pour les femmes, qui peuvent choisir de voyager exclusivement entre elles.
En 2025, cela me semble rédhibitoire, car le principe même de la voiture-lit est de retrouver le confort d’une chambre d’hôtel : pouvoir se déshabiller, dormir en pyjama — voire nu — et faire sa toilette en toute intimité. Difficile d’imaginer cela avec des inconnus !
Il est bien sûr possible de réserver une cabine privative, mais les tarifs proposés sur les Nightjets deviennent vite prohibitifs : pour une personne seule, il faut compter entre 300 € et 700 € selon la demande !
Je voyage en cabine Deluxe : le haut de gamme du Nightjet
En m’y prenant à l’avance, j’ai eu la chance d’obtenir un tarif encore abordable (353 EUR) pour voyager en cabine Deluxe privative : le nec plus ultra. J’ai donc beaucoup d’espace à disposition et, surtout, mon intimité est préservée.
Le steward vient me voir pour me présenter ma cabine et me demander ce si je souhaite dîner. Je lui dis que j’ai fait le même travail que lui dans les années 80 ce qui nous permet un échange entre « collègues » !
Un diner simple, mais rassasiant et bon marché
Mon dîner est livré dans ma cabine, car il n’y a pas de voiture-restaurant. Cela ne me gêne pas, ma cabine étant confortable et dotée d’une grande table.
Je choisis un plat typiquement germanique : poulet sauce paprika avec des Spätzle qui sont des pâtes traditionnelles allemandes. Je l’accompagne d’un bon vin rouge autrichien. Sans être gastronomique l’ensemble est savoureux et proposé à un prix très raisonnable de 12,70 €. J’apprécie d’être servi avec de la vraie vaisselle comme sur l’ICE.
Une soirée détente avec un bon livre
Vu l’âge de la voiture, plus de vingt ans, il n’y a pas de Wi-Fi, et la seule prise électrique se trouve dans la salle de bain.
J’en profite donc pour lire un bon roman, comme autrefois ! Si vous souhaitez regarder un film, n’oubliez pas de le télécharger avant votre départ.
J’apprécie aussi la présence du couloir qui m’offre la possibilité de me dégourdir les jambes ou d’échanger avec des voyageurs.
Göttingen : un air de Barbara
Nous faisons un bref arrêt de Göttingen, à 21 h 35, le temps de se remémorer la magnifique chanson de Barbara qui célèbre la réconciliation franco-allemande. Un beau symbole pour le train de nuit Berlin – Paris.
Et tant pis pour ceux qui s’étonnent
Et que les autres me pardonnent,
Mais les enfants ce sont les mêmes,
A Paris ou à Göttingen.
O faites que jamais ne revienne
Le temps du sang et de la haine
Car il y a des gens que j’aime,
A Göttingen, à Göttingen.
Une famille monte à bord de notre train. C’est aussi l’un des intérêts du train de nuit : permettre à de petites villes d’être reliées à de grands centres urbains.
De plus, cette famille, avec trois enfants, voyage dans deux cabines — une triple et une double — pouvant être ouvertes l’une vers l’autre. Un confort que seul le train de nuit peut leur offrir.
Une bonne douche avant d’aller au lit
Au moment d’aller me coucher, je demande au steward de m’installer mon lit, ce qu’il fait en moins de deux minutes.
Je prends ensuite ma douche. Le jet est puissant et l’eau bien chaude. En revanche, l’espace est minuscule et certainement pas adapté pour les grands ou gros gabarits.
Une nuit toute douce bercée par le roulement du train
Puis je me glisse sous ma couette toute douce. Mon seul regret est l’oreiller minuscule et peu garni : je dois en prendre deux pour obtenir un confort acceptable. Je m’endors rapidement, bercé par le roulement du train.
Grandes manoeuvres ferroviaires à Mannheim
Paradoxalement, je suis réveillé vers 2 h du matin par le silence. Notre train est arrêté en gare de Mannheim, où nous resterons un bon moment à cause de la reconfiguration du train avec celui en provenance de Vienne. La partie Vienne – Paris sera raccordée au nôtre, et l’autre continuera vers Bruxelles.
Le plaisir du réveil sur un nouveau paysage
Je me rendors jusqu’à 8 h du matin pour l’un des plus grands plaisirs de voyager en train de nuit : me réveiller doucement dans mon lit douillet et ouvrir le rideau sur un nouveau paysage. Cette fois, ce sont des champs agricoles avant les coteaux des vignes champenoises qui se révèlent à moi !
Une fois mon compartiment remis en position jour, mon steward m’apporte mon petit-déjeuner. Il est compris dans le prix du billet.
Après mon petit-déjeuner, j’en profite pour faire un tour dans les autres voitures du train.
Pour la partie venant de Berlin, le train est composé de deux voitures-lits, deux voitures-couchettes et deux voitures de places assises. La partie Vienne a la même composition.
Voyager en couchettes sur le Nightjet
En couchettes, deux types de voitures cohabitent :
- La plus moderne est de type « Comfort », avec des compartiments de quatre couchettes, semblables à ceux des nouveaux Nightjets. Elle dispose aussi d’un compartiment spécialement aménagé pour accueillir un passager PMR.
- La plus ancienne, de type « Standard », comporte des compartiments avec six couchettes chacun. S’il est complet, la promiscuité entre les voyageurs peut être désagréable. L’aménagement fait bien plus rustique et vieillot.
Voyager en place assise sur le Nightjet
Les places assises sont regroupées par compartiments de six fauteuils.
Là aussi, si le train est complet, le voyage peut être très inconfortable. Dans le cas contraire, à deux ou trois, il est possible de plus ou moins s’allonger grâce à la modularité des fauteuils.
Tous les compartiments couchettes et places assises peuvent être privatisés mais le supplément n’est abordable que si vous êtes au moins trois à voyager ensemble.
Une arrivée à Paris parfaitement à l’heure !
C’est parfaitement à l’heure, 9 h 38, que nous parvenons à Paris, à la gare de l’Est. Une belle performance, car les trains de nuit en Europe sont souvent connus pour être en retard. Moins des deux tiers arrivent en général à l’heure.
Mon verdict : Berlin–Paris est la distance idéale du train de nuit
Berlin fait partie des grandes villes situées à environ 1000 à 1200 km de Paris à vol d’oiseau, comme Madrid, Vienne, Venise, Rome ou Copenhague. C’est, je pense, la distance idéale pour les trains de nuit, car le trajet sur une telle distance commence à être trop long en train de jour.
Trajet de nuit en Nightjet : confort excellent à condition d’y mettre le prix
J’ai beaucoup apprécié le retour en train de nuit. Les horaires sont idéaux, car ils permettent de bien dormir et de prendre son temps le matin, sans perdre sa journée avant et après le voyage comme pour le train de jour qui est un peu long (huit heures).
Mais je suis conscient d’avoir effectué le trajet dans les meilleures conditions : seul, en cabine Deluxe avec douche et WC privatifs.
Voyager en couchettes Comfort est préférable à partager une cabine en voiture-lits
Si je n’avais pas obtenu un bon prix pour ma cabine Deluxe, j’aurais préféré voyager en voiture-couchettes de catégorie Comfort, plutôt que de partager une cabine-lit. Ces voitures sont récentes, et chaque compartiment ne comporte que quatre couchettes.
Le partage avec des inconnus est moins gênant sur le plan de l’intimité, car on y dort en général habillé — un peu comme lors d’un vol long-courrier en classe affaires — et non en tenue de nuit, comme à l’hôtel ou en voiture-lit.
Voyager de jour, c’est mieux que mal dormir en couchettes à six ou en place assise
Les compartiments à six couchettes ou les places assises promettent certes un voyage bon marché, mais peu confortable : les voitures sont anciennes et leur confort dépassé.
Dans ce cas, le voyage de jour me semble préférable. En s’y prenant à l’avance, les prix de l’ICE restent abordables.
Comment réserver son train de nuit avec le Nighjet ?
Aussi surprenant soit-il la SNCF ne commercialise pas ce train dont elle est pourtant partenaire ! Les raisons avancées sont soit-disant un problème technique de SNCF.connect qui ne lui permet pas de commercialiser des trains étrangers.
Le seul moyen est donc d’aller sur le site nightjet.com. Il est complet et facile d’utilisation.
Mais pour le moment, sachez que le service de nuit sera interrompu à partir du 14 décembre 2025.
Pourquoi le Paris — Berlin de nuit pourrait être supprimé ?
C’est par un bref communiqué que les ÖBB ont annoncé la mauvaise nouvelle : le nightjet Paris – Berlin et Paris – Vienne pourrait ne plus circuler après le 14 décembre 2025.
Une inauguration en grande pompe avec de nombreux ministres
Pourtant les 11 et 12 décembre 2023 a eu lieu le trajet inaugural du Berlin–Paris de nuit, et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’événement avait été célébré en grande pompe : pas moins de quatre ministres, dont Clément Beaune, chargé des Transports en France, et quatre PDG, étaient présents !
Dans un rare esprit de coopération, ce sont les compagnies nationales de chemin de fer autrichienne (ÖBB), belge (SNCB), allemande (DB) et française (SNCF) qui avaient inauguré les premiers Nightjets entre Paris et Berlin, ainsi qu’entre Bruxelles et Berlin.
Christophe Fanichet, le directeur de SNCF Voyageurs déclara de façon un grandiloquente : « Nous sommes fiers de ce nouveau service de train de nuit, qui renforce notre réseau ferroviaire européen. Après le lancement réussi de la liaison Paris–Vienne, qui rencontre un réel succès auprès des voyageurs, la ligne Paris–Berlin constitue un autre symbole fort de la renaissance des trains de nuit, rendue possible grâce au financement du gouvernement français. »
Officiellement le train de nuit cesse parce que le gouvernement français met fin à sa subvention
La presse a largement évoqué l’arrêt de la subvention de l’État français pour justifier la suppression du train, mais cela me semble un peu facile.
Le gouvernement avait pourtant été très clair : il s’agissait d’une aide au lancement, et il revenait ensuite aux opérateurs de tout mettre en œuvre pour assurer la réussite du projet.
Mais les causes de la probable suppression sont plus complexes et les responsabilités multiples
Force est de constater que rien a été fait pour garantir le succès du service de nuit :
- Une fréquence limitée à trois trajets hebdomadaires, alors qu’elle aurait dû devenir rapidement quotidienne pour répondre à la demande ;
- Trop peu de voitures-lits et trop de voitures à places assises par rapport à la demande ;
- Une politique tarifaire peu compétitive pour les places couchées ;
- Des voitures au confort dépassé et inadaptées aux attentes des voyageurs, notamment en matière d’intimité ;
- Une absence totale de commercialisation du service par la SNCF, qui ne l’a même pas affiché sur ses canaux de vente ;
- Une interruption du service pendant plusieurs semaines juste après le lancement, en raison de travaux sur le réseau ferré allemand ;
- Aucun soutien financier du gouvernement allemand, contrairement à la France.
La fin du Paris–Berlin de nuit n’est donc pas une surprise, mais reste une profonde déception. Le plus frappant est que, malgré la médiocrité du service, la demande était bien là.
Une demande réelle pour le train de nuit Paris — Berlin malgré un service pas tout à fait adapté
Les statistiques sur le nombre de voyageurs transportés sont jalousement gardées par les compagnies ferroviaires, et il est difficile d’obtenir des données précises pour comprendre les causes du succès ou de l’échec relatif de la liaison de nuit Paris–Berlin. La presse évoque souvent le chiffre de 30000 passagers annuel et de 70 % de coefficient de remplissage. Mais cela manque de précision.
Dans le train de nuit que j’ai pris, un jour de semaine en octobre, la quasi-totalité des compartiments en voiture-lit était occupée. Ce qui n’était pas le cas en places assises avec l’une des deux voitures qui était vide.
Trois conditions pour faire un service de nuit vraiment adapté
Pour que le train de nuit Paris–Berlin séduise davantage de voyageurs, trois conditions doivent être réunies :
- Proposer un service de nuit quotidien ;
- Offrir beaucoup plus de places couchées à des prix abordables avec des trains neufs comme les nouveaux Nightjet Hambourg — Innsbruck ou Amsterdam — Vienne ;
- Commercialiser de façon plus dynamique et coordonnée par l’ensemble des partenaires impliqués : Öbb, DB et SNCF.
Plutôt que de faire lobbying pour taxer davantage l’aérien et de réclamer des subventions dès qu’il s’agit de liaisons internationales ou de trains de nuit, les compagnies ferroviaires devraient plus innover et prendre leurs responsabilités.
Tout n’est pas perdu !
A l’annonce de la suppression, la réaction du public et de la presse a été vive, au point que le gouvernement français cherche une solution pour maintenir les trains de nuit Paris–Berlin et Paris–Vienne.
Vous pouvez, vous aussi, agir en signant la pétition de l’association Oui au train de nuit.
Un Paris — Berlin — Paris, symbole d’une ambition ferroviaire encore fragile
Le retour du train de nuit entre Paris et Berlin continue de faire rêver : relier deux capitales européennes autrement que par les airs, renouer avec un certain art du voyage. Sur une telle distance, le train de jour peine à rivaliser comme je l’ai démontré dans mon autre article.
Un temps menacé par la suppression de sa subvention française, le Nightjet Paris–Berlin pourrait finalement être sauvé. Le gouvernement cherche actuellement une solution pour maintenir la ligne, conscient de son importance symbolique et écologique. Mais l’épisode révèle les fragilités du modèle actuel : un service tributaire de décisions politiques, et une coopération européenne encore trop timide.
Ce Paris–Berlin aurait pu, et peut encore, incarner la vraie renaissance du train de nuit. Car l’intérêt du public est bien là. Ce qui manque, c’est une vision durable, des trains modernes, quotidiens, pensés pour les voyageurs d’aujourd’hui — et surtout, une promotion à la hauteur de l’enjeu.


















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