Evaneos : Un voyagiste ? Pas tout à fait !
Evaneos a été le gagnant des voyagistes dans mon article « Cap-Vert : le match entre voyage indépendant et voyagistes ».
Le positionnement d’Evaneos est original et novateur. C’est pourquoi j’ai voulu en savoir plus en enquêtant sur cette société sur internet et en interviewant son Président Éric La Bonnardière.
Lorsque j’ai commencé l’analyse du match entre voyage indépendant et voyagistes, j’ai très vite été séduit par le concept Evaneos. C’est pourquoi j’ai voulu en savoir plus sur ce voyagiste en faisant une enquête sur le web.
Le moins que l’on puisse dire est que l’entreprise plait aux médias ! Le nombre d’articles sur Evaneos est impressionnant. J’ai essayé de comprendre pourquoi.
Important !
Cet article n’a pas été subventionné par Evaneos et n’a fait l’objet d’aucun partenariat. Ce qui est plutôt inhabituel dans le petit monde des blogs de voyage.
Il reflète uniquement mon avis en tant que voyageur expérimenté et professionnel dans le secteur du transport et du tourisme. J’ai essayé d’être objectif et bienveillant mais j’assume mon point de vue.
Tous les textes en couleur corail indiquent un lien interne ou externe.
Evaneos est d’abord l’histoire de deux personnalités
Comme d’autres grandes histoires dans le tourisme, tout commence par quelqu’un qui a une vision en avance sur son temps. C’est Gilbert Trigano qui a innové avec l’idée du « all inclusive » du Club Méditerranée ou Jacques Maillot qui a inventé la démocratisation du voyage avec Nouvelles Frontières.
Pour Evaneos, l’histoire commence, en 2008, avec la rencontre de deux hommes : Eric La Bonnardière et Yvan Wibaux. Le premier sort de HEC et le second de Central Supelec.
Avec leurs profils complémentaires, le voyageur et le geek, ils créent un concept de voyage qui va bousculer le monde du voyage francophone grâce à un nouveau business model.
Eric et Yvan ont réalisé que les agences locales sont souvent les mieux placées pour créer un voyage sur mesure car elles connaissent très bien leur destination. Par contre, elles sont obligées de passer par des voyagistes en France pour commercialiser leurs circuits.
L’innovation majeure d’Eric et Yvan a été de permettre à ces agences locales de pouvoir vendre directement à des clients en France sans passer par des intermédiaires. C’est ce que raconte très bien Eric dans Forbes.
Cela a fonctionné puisqu’Evaneos a aujourd’hui dépassé le cap des 500 000 voyages vendus et compte parmi les 40 start-up les plus prometteuses de la French Tech avec le Next 40.
Evaneos : un voyagiste nouvelle façon
Lorsque l’on visite le site d’Evaneos, la première perception est la même que d’aller sur celui d’un autre voyagiste comme Voyageurs du Monde ou Marco Vasco :
Un appel à l’évasion vers le monde entier avec une impressionnante liste de destinations classées par pays ou par inspiration. De jolis visuels qui vous font rêver. Des suggestions d’itinéraires qui vous permettent de vous projeter dans vos prochaines vacances.
Et pourtant Evaneos est différent !
Contrairement à ses concurrents, Evaneos n’organise et ne crée aucun voyage. Bizarre ? En fait, le site est une plateforme internet qui accueille des agences de voyage partenaire qui planifient le circuit à destination. Le trajet international est à acheter séparément de la prestation de l’agence locale.
Grâce à ce business modèle, Evaneos est plus compétitif que les voyagistes basés en France qui ont des coûts importants de structure à rentabiliser.
Evaneos est une marketplace. C’est-à-dire que l’entreprise met en relation un client voyageur avec une agence locale. Sa valeur ajoutée est double :
- La sélection des agences locales. L’objectif est de rassurer le client voyageur. Tout le monde ne peut être partenaire d’Evaneos. Il faut remplir un solide dossier de candidature, répondre à des critères de développement durable, de parler la langue du client, puis avoir des retours positifs de la part des clients amenés par Evaneos.
- L’innovation technologique. Evaneos investit énormément dans la R&D pour que l’interface internet d’Evaneos soit la plus “user-friendly” tant pour le client voyageur que pour l’agence locale. Cette dernière doit pouvoir proposer des circuits de façon professionnelle et gérer les paiements sans que cela soit chronophage. Lors de mon match comparatif, j’ai pu l’expérimenter. Evaneos utilise aussi les données qu’elle récolte sur ses clients afin de les orienter vers une offre mieux personnalisée.
Evaneos se rémunère essentiellement en prenant une commission sur les ventes des agences partenaires.
Les avis clients que j’ai pu trouver sur internet montrent qu’Evaneos est une agence appréciée par ses clients.
Evaneos se positionne sur le voyage autrement et écoresponsable
La dernière campagne publicitaire d’Evaneos montre de façon évidente que l’agence souhaite se positionner sur le voyage écoresponsable.
L’objectif d’Eveaneos est de responsabiliser le client voyageur et de l’amener hors des sentiers battus. Pour cette raison, Evaneos a édicté une charte en 12 points que l’on retrouve sur son site sous la rubrique “Better trips”.
L’intention est louable, mais mes recherches ont montré qu’il a encore des marges de progrès.
Par exemple, Evaneos compense les émissions carbone des utilisateurs de sa plateforme, mais uniquement sur la prestation couverte par Evaneos, donc hors trajet aérien international qui représente néanmoins la plus grosse part des émissions d’un voyage lointain.
Autre fait. La charte incite le voyageur client à rester plus longtemps à destination. Evaneos affirme sur son site qu’un séjour de 3 semaines, c’est 65 % de gaz à effet de serre en moins comparé à deux séjours de 10 jours. C’est tout à fait juste, mais on retrouve pourtant sur le site d’Evaneos des propositions de voyage comme 12 jours en Patagonie ou Hawaï. Un peu court pour un voyage aussi lointain !
Enfin, Evaneos souhaite emmener ses clients voyageurs vers des destinations moins fréquentées. Il est vrai que le site regorge de suggestions originales et peu courantes comme ce voyage au Togo ou cet autotour dans les pays baltes.
Mais, les destinations victimes de surtourisme comme Mykonos, Santorin ou le Machu Picchu sont aussi proposées.
Encore une fois la volonté est là et on ne peut reprocher à Evaneos de ne pas tout pouvoir changer immédiatement.
Comme je l’explique dans mon article “Devons-nous arrêter de voyager ?” le sujet du tourisme et du développement durable est complexe et porteur de contradictions. Malgré ses bonnes intentions, Evaneos ne peut y échapper.
Une politique RH de start-up qui se veut exemplaire
Evaneos est fière de sa politique de ressources humaines. Un article de Capital en 2019, juste avant la crise du Covid, en décrivait les rouages.
L’entreprise se veut internationale, avec 22 nationalités représentées, féministe et ouverte. L’open space et le télétravail étaient déjà la norme avant que le Covid l’impose à tous. Eric et Yvan, d’après l’article de Capital, attachent une grande importance à la transparence de l’information et au parler vrai avec leurs équipes.
Seul bémol dans la diversité : la pyramide des âges. Les photos des équipes Evaneos, disponibles sur internet, ne montrent pratiquement aucun collaborateur ayant plus de 40 ans. Un paradoxe quand on sait que les clients d’Evaneos sont plutôt dans la quarantaine et la cinquantaine !
Evaneos : une entreprise du voyage à suivre
La crise du Covid a failli avoir la peau de cette success-story du tourisme français. Eric la Bonnardière explique dans Challenge comment Evaneos a réussi à passer ce cap et reprendre le chemin de la croissance en 2022. Le plus dur est heureusement derrière.
Evaneos est une entreprise que je continuerai à suivre, car elle va dans une direction qui me plait. Pour aller plus loin, j’en ai profité pour poser quatre questions à Eric la Bonnardière qui m’a gentiment répondu.
Quatre questions à Éric La Bonnardière, Président d’Evaneos
1. Est-ce pertinent de dire qu’Evaneos est l’Airbnb du tourisme ?
Effectivement, comme Airbnb, Evaneos est une « marketplace ». C’est-à-dire que nous sommes une plateforme digitale de mise en relation qui permet à l’offre touristique et à la demande de se rencontrer, en l’occurrence des agences locales qui proposent des voyages sur mesure avec les voyageurs.
Une différence importante avec Airbnb c’est que n’importe quelle agence locale ne peut pas venir vendre ses voyages sur Evaneos : nous procédons à une sélection très rigoureuse de nos agents selon des critères de qualité élevés.
Avec moins de 10 % qui passent ces critères, nous souhaitons avoir une homogénéité d’expériences voyageurs et valeurs la plus importante possible.
En particulier, il est clé pour nous d’avoir sur le site des agences qui partagent avec nous l’envie d’inventer de nouvelles manières de préparer ses voyages et des voyages qui soient plus durables, qui bénéficient mieux aux économies locales et qui respectent les destinations et l’environnement à travers un tourisme plus immersif.
2. L’un des bénéfices les plus importants pour les clients d’utiliser une agence de voyages est de profiter de la protection de la réglementation européenne sur les voyages à forfait. Est-ce qu’elle s’applique à Evaneos ? Ou à ses partenaires même lorsqu’ils ne sont pas situés en Europe ?
Le principal bénéfice est, je pense d’abord, de permettre à tous de construire un voyage en relation directe avec un agent qui vit dans la destination et qui donc connaît parfait son pays et est capable de faire des recommandations vraiment sur mesures, adaptées aux envies et au budget de chacun.
Concernant la réglementation, passer par Evaneos permet en effet d’être couvert par la réglementation européenne des voyages à forfait et donc de bénéficier de la même protection juridique qu’en réservant via une agence de voyages traditionnelle, y compris pour les destinations hors Europe.
3. Lors du premier confinement (mars 2020), les voyagistes et les agences de voyages ont eu l’énorme défi de rapatrier leurs clients. Comment Evaneos a géré cette période ?
Cela a été un énorme choc pour l’ensemble de l’industrie du tourisme, car la fermeture mondiale du trafic aérien s’est produite en très peu de temps.
Il a fallu rapatrier les clients qui étaient sur place à ce moment-là et nous l’avons fait en lien quotidien avec les agences locales.
Je dois dire que cela s’est globalement produit de manière très fluide.
Sur un nombre très restreint de destinations, les voyageurs ont dû respecter des quarantaines frustrantes avant de repartir et nous avons maintenu un lien régulier avec eux.
4. Est-ce que les clients dont le voyage a été annulé à cause du Covid ont pu obtenir des remboursements et/ou des avoirs ? Concernant les avoirs, étaient-ils émis par le partenaire ou par Evaneos ? En d’autres termes, est-ce que l’avoir pouvait être utilisé dans un autre pays avec un autre partenaire ?
Cela a été en effet la plus grosse partie du travail : proposer une solution acceptable aux milliers de voyageurs qui avaient réservé un voyage pendant l’été 2020 tout en faisant en sorte que nos partenaires, agences locales, survivent d’un point de vue financier.
La loi française nous a permis d’émettre des avoirs valables 18 mois à tous ces voyageurs valables dans la destination initiale. Au cas par cas, nous avons pu les rendre valables sur une destination différente.
Nous avons effectué un travail important de pédagogie auprès des voyageurs pour expliquer en quoi cela était primordial pour permettre à toutes les agences locales et à l’ensemble de la chaîne touristique de traverser la période.
Nous avons été heureux de voir l’empathie développée par notre communauté de voyageurs qui a bien compris et joué le jeu. Une grande majorité a ensuite choisi de reporter leur voyage et les autres ont pu annuler et être remboursés
Merci Eric.
Pour en savoir plus sur Evaneos je vous conseille de télécharger leur dossier de presse
Reste qu’en cas de litige ou accident très grave de la faute de l’agence locale (notre cas) il y a un vrai problème juridique. Où le consommateur est-il prévenu de manière claire que son engagement contractuel n’est pas avec Evaneos mais avec un agent local (dans notre cas en Namibie)
Evaneos peut-il du fait de son positionnenement de plateforme, échapper à ses responsabilés de voyagiste au regard du code du tourisme ?
Ca n’est peut être pas ‘volontaire’ mais il semble y avoir un très gros trou dans la raquette. Tout se passe sur le site Evaneos, et les paiements se font via Evaneos…. mais au final ils se déchargent sur leur partenaire local ?
Quel est alors le recours du consommateur en droit Francais ? On est pas loin de la tromperie