Paris Nice : sur les traces du Train Bleu

Paris Nice est l’une des plus longues lignes de train de France avec 1088 km et elle relie la capitale à l’une des régions les plus riches de France : la Côte d’Azur. C’est la liaison idéale pour le train de nuit  et elle fut très prestigieuse dans le passé grâce au Train Bleu.

J’ai testé le nouveau service en novembre 2023. 

Mon voyage en train Paris — Nice en 2023

Le 10 mai 2021, Jean Castex, alors Premier ministre, a inauguré le nouvel intercités de nuit Paris Nice. Honnêtement j’ai trouvé que c’était en faire beaucoup pour un produit recyclé et offrant peu d’innovations !

J’ai fait le même voyage à bord de l’Intercités de nuit Paris — Nice en novembre 2023 de façon plus anonyme.

Depuis deux ans, le service proposé est maintenant bien rodé ce qui me permet de vous en donner une bonne vision avec ses forces et ses faiblesses.

Parti un samedi soir à 20 h 51 de la gare d’Austerlitz à Paris, je suis arrivé le lendemain à 9 h 03 à Nice.

Trajet Paris Nice en train de nuit

Mais avant de parler de mon voyage, j’ai envie de vous raconter le passé de la ligne Paris Nice avec deux trains de nuit qui ont marqué son histoire :

  • Le fameux Train Bleu qui a circulé de 1922 à 2017.
  • Le train Azur 2000 qui a circulé de 1975 à 1981 et qui a été oublié bien qu’il était extraordinaire et qu’il ferait rêver s’il existait encore.

Tous les textes en couleur corail indiquent un lien interne ou externe.

Le Train Bleu : une longue vie, du prestige à l’oubli

Le Train Bleu a circulé de 1922 à 2007 entre Paris et Vintimille via Nice. Au cours de cette longue période, il est passé d’un train prestigieux à un banal intercités.

De 1920 aux années 70 : Un train prestigieux

Des années 20 aux années 70, la ligne Paris Nice Vintimille était l’une des plus exceptionnelles d’Europe avec son emblématique « Train Bleu », nom dû à la couleur de ses voitures métalliques.

Le Train Bleu proposait une voiture-bar et une voiture-restaurant. La première fut retirée en 1968 et la seconde en 1978.

À cette époque le train ne comportait que de luxueuses voitures-lits. La clientèle était prestigieuse avec Jean Cocteau, Sacha Guitry, la princesse Grâce de Monaco ou Marlène Dietrich parmi les voyageurs. Les tarifs pratiqués n’étaient pas à la portée des classes moyennes qui devaient voyager dans des trains au confort bien plus spartiate sur la même ligne.

Les photos sont extraites du livre de référence sur le Train Bleu écrit par Jean des Cars et Paul Caracalla.

Train bleu archives

Train bleu archives 2

Dans les années 80, j’ai été steward sur le Train Bleu

Dans les années 80, pendant mes études universitaires, j’ai moi-même travaillé en tant que steward dans les wagons-lits du Train Bleu. On nous appelait des « conducteurs » un terme un peu désuet. Le Train Bleu que j’ai connu était devenu un train comme les autres avec toujours des voitures-lits, mais aussi de banales voitures-couchettes. La voiture-restaurant et la voiture-bar n’étaient que des souvenirs pour les vieux habitués de la ligne.

Mais même dans ces conditions j’ai adoré travailler sur ce train. La clientèle était encore au rendez-vous et on sentait qu’elle était fidèle au train de nuit.

De plus, la ligne entre Saint-Raphaël et Vintimille est certainement l’une des plus belles d’Europe avec ses vues sur la mer Méditerranée.

Dans les années 80, d’un peu partout en Europe, le train de nuit était encore essentiel pour aller à Nice. Depuis Paris, il existait un deuxième train, « l’Estérel » et de nombreuses villes de province comme Nantes, Bordeaux, Metz, Strasbourg ou Calais étaient reliées vers Nice. D’autres trains de nuit venaient de Belgique, des Pays-Bas et d’Allemagne.

Voitures-lits années 80

Des années 90 jusqu’à 2017 : la triste fin du Train Bleu

Le déclin a continué avec le retrait des dernières voitures-lits en 2007. À partir de cette date, le Train Bleu ne comportait plus que des couchettes. Seul le nom témoignait de son prestigieux passé avant qu’il ne tire sa révérence en 2017. Michel Sardou a fait une chanson sur le paquebot France, il aurait pu en faire une sur le Train Bleu… avec presque les mêmes paroles !

Ne m’appelez plus jamais «le Train Bleu»

La SNCF elle m’a laissé tomber

Ne m’appelez plus jamais « le Train Bleu »

C’est ma dernière volonté

J’étais un train prestigieux

J’emportais des milliers d’amants

J’étais le train de nuit qu’est-ce qu’il en reste

Un corps mort pour des TGV

Comme peu de monde le sait, entre 2010 et 2020, le « Riviera Express », un train moderne et luxueux, a circulé entre Moscou et Nice. À cette occasion, en 2016, la SNCF décida d’affréter deux voitures-lits russes pour améliorer la relation Paris Nice. Avec le covid puis la guerre d’Ukraine, tout ceci semble bien lointain.

Le Train Bleu : un restaurant ? Un ballet ? Un roman policier ?

Pourtant, aujourd’hui, il est encore possible de retrouver l’ambiance du Train Bleu… Non pas sur les rails, mais à la gare de Lyon dans un environnement qui ne bouge pas, un restaurant gastronomique ! Il est situé au premier étage avec un décor majestueux de style néo-baroque et Belle Époque des années 1900. Les plafonds ont une hauteur de 8 mètres de haut et on accède au restaurant par un magnifique escalier à double évolution. Une belle expérience, mais qui oblige à rester à quai !

Enfin, le train bleu c’est aussi un roman policier d’Agatha Christie et un ballet avec un livret signé Jean Cocteau. Le Train Bleu est un énorme patrimoine culturel pour la France. On l’a oublié.

Train Bleu le restaurant, le ballet et le roman policier

L’Azur 2000 : un train de vacances extraordinaire

De 1975 à 1981, un autre train de nuit, dont peu de personnes se souviennent aujourd’hui, a circulé une fois par semaine l’été de Paris à Menton via Nice : l’Azur 2000.

Une offre de services incroyable !

L’Azur 2000 était un train de vacances avec une offre de services très complète grâce à de nombreuses voitures spécialisées. Jugez plutôt, on trouvait à bord :

  • Des voitures-lits avec petit déjeuner offert dans le compartiment
  • Des voitures-couchettes. Je me souviens que pour améliorer l’intimité des voyageurs nous installions des petits rideaux qui permettaient à chacun de s’isoler.
  • Une voiture-restaurant avec une vraie cuisine et un service à la place sur nappe blanche.
  • Une superbe voiture Pullman de 1928, rescapée de l’Orient-Express, qui faisait office de bar-salon.
  • Une voiture-discothèque où l’on dansait au rythme du train et des aiguillages grâce à un DJ.
  • Une voiture-cinéma de 84 places. À l’époque, il n’en existait que deux au Monde !

Je me souviens que lorsque je travaillais sur l’Azur 2000 un boulanger venait nous fournir en croissants chauds à l’arrêt de Marseille. C’était la classe pour nos clients !

Incroyable ! Non ? Surtout que ce n’était pas un train de luxe réservé à quelques « happy few » comme les projets du Groupe Accor de trains ultra-luxueux qui ne correspondent pas à ma vision du train de nuit. En plus du tarif de transport, le supplément de l’Azur 2000 était raisonnable, 81 francs (30 euros de notre temps), et donc accessible à un large public.

Malheureusement, il n’existe que peu de documents sur ce train qui avait été à l’initiative de Jean-Pierre Hutin, l’animateur d’une célèbre émission de télévision sur les chiens et chats intitulée : « Trente millions d’amis ».

Les photos sont extraites du seul article de presse sur l’Azur 2000 que j’ai trouvé et conservé de l’époque. Je ne sais d’ailleurs même plus quel magazine l’avait publié ! Je ne peux donc vous indiquer mes sources.Train Azur 2000

J’ai travaillé comme steward à bord de l’Azur 2000 en 1981

En 1981, je n’avais même pas 20 ans, j’ai eu la chance d’y travailler comme steward avant de rejoindre la prestigieuse Compagnie des Wagons-Lits.

La SNCF était responsable du train et touchait toutes les recettes de transport et des suppléments-lits ou couchettes. Setra 2000, un tour-opérateur, assurait le service à bord grâce aux revenus du supplément Azur 2000. 

1981 fut son dernier été, car la clientèle n’était plus au rendez-vous. L’échec incombe en partie à la SNCF qui ne faisait pas la promotion de ce train. Les clients qui réservaient une place sur l’Azur 2000 le faisaient un peu par hasard sans savoir ce que c’était ce train. 

Certes il était conçu de façon artisanale et son modèle économique reposait sur un personnel étudiant sous-payé, mais il aurait pu être affiné et optimisé. J’avais d’ailleurs, à la fin de la saison, écrit un rapport donnant quelques pistes d’évolution.

Trève de nostalgie. Après une interruption de quelques années, le train de nuit Paris Nice est de retour. Voyons maintenant ce qu’est de l’emprunter en 2023 !

Gare Paris Austerlitz : départ du train de nuit Paris Nice

À Paris, c’est sous une pluie battante bien automnale que je me rends à la gare d’Austerlitz prendre mon train de nuit pour Nice dont le départ est prévu à 20 h 51.

Heureusement que j’ai pensé à regarder mon billet, car traditionnellement tous les trains vers le sud-est partaient autrefois depuis la gare de Lyon.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui, car la SNCF a décidé que tous les trains de nuit vers le sud de la France partiraient de la gare d’Austerlitz.

La moins plaisante des gares parisiennes

J’ai surtout connue la gare d’Austerlitz dans les années 80 quand je travaillais dans les wagons-lits. Elle était la grande gare qui desservait le sud-ouest de la France et la péninsule ibérique. Depuis l’avènement du TGV, ce rôle lui a été retiré pour être confié à la moderne gare Montparnasse plus centrale et mieux connecté au métro.

Aujourd’hui, outre les trains de nuit, elle accueille uniquement les intercités et les trains régionaux vers le centre de la France.

Je trouvais qu’elle était la moins plaisante de toutes les gares parisiennes, car s’y superposaient plusieurs aménagements construits à différentes périodes sans véritable cohérence architecturale. Elle était traversée par le RER C et le métro comme de vilaines balafres. Devant s’étalait un parking de voitures pas très bien organisé et les circuits passagers étaient peu commodes.

Cela faisait donc des années que je ne l’avais visité en ce soir de novembre 2023 où je décide de rejoindre Nice en train de nuit. C’est un choc, car la gare est un énorme chantier. C’est entre des palissades en bois que je me faufile jusqu’à mon train. Avec la pluie qui ne cesse, de tomber depuis le matin sur la Capitale l’ambiance est plutôt glauque.

Gare Austerlitz en travaux

Une nouvelle gare est prévue d’ici quatre à cinq ans

Des panneaux d’affichage m’informent que d’importants travaux sont entrepris depuis plusieurs années et qu’une nouvelle gare devrait apparaître d’ici quatre à cinq ans.

Difficile donc de donner un véritable avis sur cette gare. Aujourd’hui l’environnement est assez désastreux comparé à la gare de Lyon d’où partent les TGV vers le sud-est de la France. Il faudra y revenir dans quelques années pour voir le résultat final. Mais je crains que la gare d’Austerlitz ne puisse jamais vraiment remplacer l’élégante gare de Lyon avec sa magnifique tour horloge et son iconique restaurant « le Train bleu ».

Je rejoins mon train où le contrôle est effectué au début du quai. C’est, je pense, une bonne initiative, car elle permet de ne pas être dérangé après le départ du train et si les voyageurs ont des questions sur leur voyage ils peuvent les adresser immédiatement aux contrôleurs. Les voyageurs arrivent tranquillement et nous sommes loin de l’effervescence qui accompagne les départs en TGV, mais c’est plutôt plaisant.

Départ Intercités Nice

Découverte du nouveau train de nuit Paris Nice  

Fini le temps des noms de trains qui faisaient rêver. Je vais voyager à bord d’un banal Intercités numéroté de façon très rationnelle : 5771.

Un restyling réussi des anciennes voitures corail

Le train est composé d’anciennes voitures corail rénovées par la SNCF. À les voir, on a du mal à croire qu’elles datent d’une quarantaine d’années. La livrée, blanc et noir relevé d’un trait rouge, est élégante et nous sommes loin des couleurs criardes et laides du Ouigo.

Le train est très long, car, en fait, nous en avons deux en un ! La première section est à destination de Briançon, dans les Alpes françaises, et l’autre de Nice. La séparation se fait au milieu de la nuit à Valence. De cette manière une seule locomotive est nécessaire pour une bonne partie du trajet, ce qui contribue à améliorer l’économie de la ligne. Au retour vers Paris, le même système est appliqué, mais l’inconvénient est que si l’une des deux rames est en retard l’autre devra l’attendre.

Je remarque que plusieurs voitures ont le toit peint en blanc. Cela rajoute à l’élégance, mais surtout, en été lorsque la voiture stationne toute la journée en plein soleil, le blanc permet de gagner quelques précieux degrés pour limiter l’utilisation de la climatisation.

Livrée exterieure Intercités nuit

Une vieille locomotive pour nous tracter

Je vais jusqu’à la tête du train observer la locomotive, une BB22000, qui va nous emmener. Les cheminots l’appellent affectueusement le « nez cassé » à cause de la forme avant de celle-ci. Elles ne sont pas toutes jeunes, car elles ont été mises en service en 1976 ! Un peu comme si Air France nous faisait encore voler sur des Boeing 727 ou des Airbus A300.

Locomotive BB22000

Un choix de trois niveaux de confort

Trois classes sont proposées par la SNCF :

  • Des couchettes de première classe avec des compartiments de quatre couchages : le haut de gamme
  • Des couchettes de seconde classe avec des compartiments de six couchages
  • Des places assises dans deux grands compartiments ouverts

J’ai choisi de voyager en Première classe et comme je n’aime pas partager ma nuit avec des inconnus j’ai privatisé un compartiment qui est une choix proposé par la SNCF.

Jusqu’à cette année, en plus du billet, il fallait payer un supplément modique de 75 EUR pour cette privatisation. En 2024, une nouvelle tarification sera mise en place plus chère, mais, en contrepartie, avec une plus grande disponibilité des compartiments privatifs.

Voyager en Première classe privatisée : de l’espace, mais peu de prestations

La SNCF ne propose qu’une seule voiture de première classe, soit 36 couchettes réparties en neuf compartiments. Le mien est au milieu. C’est le meilleur emplacement, car loin des boggies et des bruits de roulement sur les rails. C’est un coup de chance, puisqu’on ne peut choisir sa place sur plan contrairement aux TGV.

Une clientèle de la génération X ou du Baby-boom

Avant de prendre possession de mon compartiment, j’observe mes compagnons de voyage en Première classe. Ce sont des personnes toutes entre 50 et 70 ans qui voyagent seules ou en couples. Très vite tout le monde s’enferme dans son compartiment. Personne ne semble vouloir socialiser.

Clientèle 1ere intercités

Un compartiment spacieux et avec une jolie décoration

La première impression de mon compartiment est plutôt positive. Les couleurs blanches, grises et rouges sont harmonieuses et la finition est de qualité. Un très bon travail de rénovation qui a été fait par les équipes de la SNCF. Bravo ! Je regrette cependant le choix d’un lino pour recouvrir le sol au lieu d’une moquette qui aurait donné une ambiance plus cosy et luxueuse.

Les deux couchettes supérieures sont fixes et accessibles par une échelle. L’espace est suffisant pour s’asseoir à l’aise, à quatre, sur les deux couchettes inférieures. Par contre, le dossier, très vertical, est inconfortable et il faut se caler avec les oreillers. Heureusement, j’en ai quatre à ma disposition ! Tout seul dans mon compartiment j’ai vraiment beaucoup d’espace. À deux cela aurait été très bien aussi. À quatre, à condition d’être avec des compagnons que l’on connaît, cela reste plaisant. La place pour les bagages, sous les couchettes et au-dessus du couloir, est bien dimensionnée.

Malgré que ce soit une première classe, les wc et les toilettes sont collectifs et situés au bout de la voiture.

Couchettes 1ere SNCF

Sommes-nous en sécurité en couchettes ?

Un souci récurrent des voyageurs dans les trains de nuit est la sécurité. La SNCF en est bien consciente et a cherché à y remédier de deux façons :

  • Un double système de verrouillage dont un qui ne peut être ouvert de l’extérieur.
  • La possibilité pour les femmes de réserver une couchette dans un compartiment où les hommes sont exclus.

Est-ce suffisant ? Honnêtement je n’en sais rien, car la sécurité est aussi une affaire de perception par les clients.

Voyager en couchettes de seconde classe : Promiscuité sans la convivialité

Je pars à la visite des autres classes du train en commençant par les voitures-couchettes. Elles sont au nombre de cinq et offrent chacune dix compartiments de six couchettes.

En 2023, elles sont restées presque inchangées comme dans les années 70 avec juste la climatisation en plus et le velours qui a heureusement remplacé le skaï !

Philippe Besson dans son très bon roman « Paris Briançon » donne une peinture vivante des voyages en couchettes. Les voyageurs font connaissance, discutent, font des jeux de société avant de s’endormir. Les reportages télé qui ont été réalisés au moment de la récente relance des trains de nuit en France ont mis en avant ce folklore de voyageurs joyeux et sociables.

On dort les uns sur les autres et il est difficile de s’asseoir

La réalité que je vois pendant mon voyage est un peu différente. Les compartiments de seconde classe, pourtant légèrement plus étroits qu’en première, sont constitués de six couchettes au lieu de quatre. Inutile de dire qu’avec les bagages l’espace est vraiment limité pour chacun. Sauf à rabattre la couchette du milieu, il n’est pas possible de voyager assis. Aussi les voyageurs se sentent obligés de s’allonger sur leur couchette même s’ils n’ont pas encore envie de dormir.

La promiscuité plutôt que de favoriser la socialisation incite les voyageurs à se réfugier sur l’écran de leurs smartphones pour préserver le peu d’intimité des couchettes. Heureusement le wifi est présent à bord et une prise électrique pour chaque couchette permet de les recharger.

Couchettes 2nde SNCF

Dans l’une des voitures-couchettes, un espace est prévu pour le transport des vélos. Il faut cependant ne pas oublier de réserver l’espace avant le voyage. On y retrouve aussi quelques bagages qui n’ont pu être installés dans les compartiments trop exigus.

Espace vélos et services SNCF

Une clientèle de la génération Z qui découvre le train de nuit

La clientèle en seconde classe est plus jeune, a souvent moins de trente ans, la génération Z, et semble découvrir ce moyen de transport qui avait presque disparu avant leur naissance.

Voyager en places assises pour à peine plus cher que le prix d’un carnet de métro parisien

Je termine ma balade vers la tête de train où se situe l’unique voiture de 55 places assises. La nuit de mon voyage, celle-ci est quasiment pleine contrairement aux couchettes dont nombreuses sont inoccupées. Ce qui prouve selon moi que la principale motivation des voyageurs des trains de nuit est le prix bon marché.

En s’y prenant à l’avance, la SNCF propose des prix à partir de 19 euros, soit à peine plus cher qu’un carnet de dix tickets du métro parisien. Même « blabacar » n’est pas compétitif sur Paris Nice !

Ceci étant dit, la voiture de places assises est plutôt réussie. Les fauteuils sont larges et s’inclinent bien. On se retrouve avec un confort comparable à la classe « Premium économie » des compagnies aériennes. La lumière est tamisée et l’harmonie cabine, dans les tons gris avec une touche de vert pomme, agréable à l’œil.

Pour une fois, c’est mieux que les nightjets des Öbb, les chemins de fer autrichiens, dont l’offre places assises est très décevante.

Places assises train de nuit SNCF

Ma nuit en compartiment couchette Première classe privatisé

Je pense qu’un voyage en train de nuit réussi doit répondre, au minimum, à trois critères simples :

  • S’être restauré de façon saine et agréable
  • Avoir pu se laver et aller aux toilettes confortablement
  • Avoir bien dormi pour arriver reposé

Qu’en est-il sur le train Paris Nice d’aujourd’hui ?

Mon repas commandé à la réservation a été annulé !

J’avais découvert, un peu par hasard, un site de la SNCF qui permet de commander son repas avant le départ. Notre train partant à 20 h 51, je m’étais dit que ce serait une agréable façon de passer la soirée. L’offre est assez réduite, mais la salade de lentilles aux oignons confits et lardons fumés avec une purée de butternut que j’avais choisie semblait appétissante. Je l’avais complétée avec un moelleux aux pistaches et griottes pour un prix modique de 14,20 EUR avec la promesse qu’un steward ou une hôtesse me le livrerait directement à mon compartiment. Plutôt sympa ? Les photos du site étaient alléchantes.

Vingt minutes après le départ ne voyant personne venir, je me rends dans la voiture où se situe le steward dans une petite cabine. Après lui avoir exprimé mon attente, il me répond qu’il est très surpris, car sur sa tablette il est indiqué que ma commande a été annulée ! De plus, il n’a aucun moyen de me faire un geste commercial sauf à le payer de sa poche. J’en suis quitte pour acheter de la « junk food » peu diététique, trop salée et trop sucrée…

Repas Paris Nice

Pour la petite histoire, j’écrirai un mail de réclamation à la SNCF qui m’offrira un bon de 5 EUR à valoir uniquement sur les intercités ! Un peu faible pour l’inconvénient qui m’a été causé de devoir sauter un repas ! Décidément la SNCF est très mauvaise dès qu’elle s’occupe de restauration. Les chemins de fer allemands, autrichiens ou suédois ont des leçons à lui donner dans ce domaine.

L’accès aux WC et aux sanitaires communs est peu agréable

Après avoir regardé un film sur ma tablette que j’avais pris le soin de télécharger avant de partir, je me prépare à aller me coucher.

Ni lavabo ni toilettes dans les compartiments couchettes même de première classe. Heureusement, j’ai prévu des pantoufles et une tenue de jogging pour aller dans le cabinet de toilette au bout de la voiture. La lumière dans le couloir est forte et plutôt agressive. Elle n’incite pas au repos nocturne et il vaut mieux éviter d’avoir une envie pressante au milieu de la nuit.

Les toilettes sont propres et le resteront pendant tout le voyage, car l’unique steward du train passera à plusieurs reprises s’en assurer. Détail rigolo : les petites et grandes commissions ne vont pas dans un container comme dans le TGV, mais directement sur les voies pareillement à jadis ! Ce qui fait du réseau de chemins de fer, les plus gigantesques toilettes de France !

Couloir et WC

Dans mon compartiment privatisé, je passe une excellente nuit !

Pour rendre la nuit plus agréable, la SNCF fournit un petit kit comprenant des bouchons d’oreille et un masque pour les yeux qui sont absolument nécessaires si vous devez partager votre compartiment avec d’autres voyageurs. Une petite bouteille d’eau est aussi offerte avec un dentifrice à croquer ! Une bizarrerie, mais si vous avez oublié votre brosse à dents cela pourra vous dépanner.

La literie se constitue d’un oreiller plutôt confortable et d’une sorte de « couette housse ». C’est plus hygiénique que dans l’ancien temps où la SNCF donnait un drap sac et des couvertures qui n’étaient pas souvent lavées. Si vous avez l’habitude de beaucoup vous retourner la nuit vous serez vite entortillés dans la « couette housse ». Le mieux, si le compartiment n’est pas plein, est d’en prendre deux : une pour recouvrir la couchette, l’autre pour servir de vraie couette. C’est ce que je fais et je passe une excellente nuit ! D’autant plus que les anciennes voitures corail sont plutôt bien insonorisées et stables.

Literie en couchettes 1ere

Je suis réveillé à 6 h 20 par le contrôleur qui fait une annonce pour prévenir les voyageurs descendant à Marseille de se préparer. Un peu tôt pour nous qui continuons vers Nice !

En été, lorsque le soleil se lève tôt, j’aurais pu profiter des magnifiques vues sur la mer entre Marseille et Toulon.

Mais en hiver, le soleil ne se lève timidement que vers Toulon, je me replonge donc dans un demi-sommeil jusqu’à Saint-Raphaël.

Un médiocre café en guise de petit-déjeuner

A mon réveil, je vais voir l’unique steward du train qui n’a qu’un médiocre café, une brioche sous vide et un jus d’orange industriel à me proposer à la vente.

Pas génial ! Pour information, les Öbb, les chemins de fer autrichiens, offrent le petit déjeuner à leurs clients aussi bien en voitures-lits qu’en couchettes.

Marseille Blancarde
Toulon

Réveil devant la Méditerranée ensoleillée : magique!

Je suis tout excité lorsque notre train quitte la gare de Saint-Raphaël, car nous allons longer la méditerranée et la côte de l’Estérel et ses roches rouges. C’est l’instant magique qui fait du train de nuit Paris Nice une expérience ferroviaire extraordinaire ! Je ne m’en suis jamais lassé.

J’ai de la chance, car le ciel est d’un bleu éclatant et le soleil radieux. Paris et sa grisaille de la veille me semblent bien loin. C’est tout simplement fabuleux ! Et le mot est faible. Rien que pour cette sensation au réveil j’adore le train de nuit Paris Nice.

Les vieux trains corail permettent d’ouvrir la fenêtre et de humer les senteurs provençales. Un plaisir qui a disparu avec les TGV où les fenêtres sont fixes !

Nous passons sur le viaduc de la calanque d’Anthéor. Nous avons presque l’impression de rouler sur la plage tellement celle-ci est proche de nous ! Ce viaduc n’est pas n’importe lequel, car il date de 1860, l’année du rattachement du comté de Nice à la France.

Napoléon III voulait prolonger la ligne de train depuis Saint-Raphaël jusqu’à Nice le plus rapidement possible pour bien montrer que la ville était intégrée à La France.

À l’époque, les travaux pour franchir le massif de l’Estérel constituèrent une vraie prouesse technologique.

Lever de soleil Méditerranée
Côte d'Azur
Estérel
Mandelieu
Estérel

Cannes et Antibes, annonciatrices de la fin du voyage

Après avoir quitté le massif de l’Estérel, nous rejoignons la Côte d’Azur plus urbanisée. Nous nous arrêtons à Cannes, petite ville calme et âgée en-dehors de son célèbre festival et Antibes avant de longer la mer quasiment au bord de la plage. Je remarque les immeubles en pyramide de Marina Baie des Anges à l’architecture audacieuse.

Antibes
Marina Baie des Anges

Arrivée à Nice à 9 h 8 après un voyage de 12 heures et 15 minutes

Nous arrivons, à quelques minutes près, à l’heure à Nice. La verrière de la gare est lumineuse et belle. Une passerelle pour rejoindre le bâtiment principal permet de mieux l’apprécier. Je jette un dernier coup d’œil à mon train qui ressemble à un long serpent endormi.

Gare de Nice

Pas de douches à l’arrivée…

À Nice, la SNCF n’offre pas la possibilité de se doucher. Cette prestation n’est proposée qu’à Paris Austerlitz pour les passagers de première classe. Dommage ! Je devrai attendre le milieu de l’après-midi lorsque ma chambre d’hôtel sera disponible pour pouvoir me rafraichir. Heureusement, je suis en vacances et je n’ai pas de rendez-vous d’affaires ! L’Intercités de nuit n’est pas conçu pour les hommes ou femmes qui voyagent pour leur travail.

Parvis gare de Nice

Mon voyage se termine !

J’aime beaucoup Nice, surtout en hiver, car la ville est en général ensoleillée alors que le reste de la France se morfond sous la pluie hivernale.

J’ai été ravi de faire ce voyage qui m’a rappelé plein de souvenirs de jeunesse. Grâce à mon compartiment privatisé, j’ai très bien dormi et, comme dans le passé, dès mon réveil j’ai été scotché à la fenêtre pour regarder les superbes paysages de la Côte d’Azur.

J’espère que la ligne actuelle n’est que le début d’une nouvelle ère du train de nuit sur Paris Nice, car il lui manque encore beaucoup de choses pour être complètement attractive.

Que manque-t-il au train de nuit Paris Nice pour lui redonner tout son attrait?

Avec Nice, Cannes, Monaco, Menton et Saint-Raphaël, la Côte d’Azur est l’une des régions les plus densément peuplées et les plus riches de France. C’est aussi la région la plus éloignée de Paris. Depuis la capitale, le temps de voyage en voiture est de neuf à dix heures et six heures en TGV. C’est long !

C’est donc la relation idéale pour le train de nuit, mais il faudrait proposer un service qui réponde mieux aux attentes de la clientèle, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

la clientèle active et aisée ne prendra pas le train de nuit actuel

D’ailleurs cela se voit dans la clientèle de mon train. Elle a soit plus de 55 ans et a connu le train de nuit autrefois, avec ses avantages et ses inconvénients, ou moins de 30 ans. Entre les deux, presque personne ! Les « actifs » prennent le TGV ou l’avion. Les voyageurs de nuit d’aujourd’hui sont surtout motivés par le prix qui, grâce aux subventions de l’État, est plus faible que dans les TGV et permet d’économiser une nuit d’hôtel. La nostalgie des trains de nuit et les arguments écologiques sont les autres raisons du nouvel attrait des trains de nuit.

Pour que le train de nuit reste viable dans la durée, le challenge sera aussi d’attirer une clientèle plus aisée, prête à payer plus cher, mais avec des exigences supplémentaires. J’en dénombre trois majeures qui ne me paraissent pas si compliquées que ça à mettre en œuvre.

Ma première demande : offrir de vraies voitures-lits avec le confort moderne

La première est de proposer des voitures-lits avec une vraie literie, un lavabo et des wc privatifs.

La référence qui doit servir d’inspiration est les nouveaux nightjets des Öbb, les chemins de fer autrichiens comme le montre la photo ci-dessous.

La douche serait un plus, mais d’autres réponses comme une offre en gare me semble être une alternative à étudier. C’est cette politique que les compagnies aériennes ont appliquée en investissant dans des salons luxueux pour compenser sur les vols courts un service à bord plus simple qu’autrefois. L’expérience client commence et finit en gare.

Nightjet of the future - Voiture-lits

Ma deuxième demande : donner de l’intimité à toutes et à tous

La seconde est d’être innovant sur la bulle d’intimité que réclament les voyageurs en 2023 même en couchettes. De ce point de vue le compartiment avec six couchettes est à l’opposé de ce que les gens veulent. Les Öbb, encore eux, viennent d’inventer la couchette capsule (voir photo ci-dessous), mais peut-être que d’autres solutions existent ?

Aux marketeurs ferroviaires d’être créatifs comme l’ont été ceux des compagnies aériennes qui ont su créer des produits en classe affaires très imaginatifs qui répondent aux attentes de la clientèle malgré des contraintes matérielles, poids et espace, à bord des avions qui sont très complexes !

Couchettes Nightjet of the future

 

Ma troisième demande : proposer une restauration de qualité

La troisième est d’offrir une restauration de qualité. On peut rêver d’une voiture-restaurant avec le chef à bord comme autrefois, mais cela ne me paraît pas très réaliste sur le plan économique.

Par contre, je ne vois pas ce qui empêcherait la SNCF de proposer une restauration comparable à ce qui est servi à bord de l’Eurostar vers Londres ou Bruxelles ou du Lyria vers Genève ou Zurich.

Repas Eurostar et Thalys

Connecter avec le réseau italien grâce au tronçon Nice Vintimille

Je regrette que l’Intercités ne continue pas jusqu’à Vintimille comme le Train Bleu d’autrefois. D’une part parce que la ligne qui est en surplomb de la mer est magnifique et d’autre part, en plus de la desserte de Monaco et Menton, cela faciliterait les correspondances avec les trains italiens pour aller à San Remo, Gênes, Pise ou même Rome.

Carte Nice Vintimille

Communiquer sur l’imaginaire du train de nuit !

Enfin, la communication actuelle est bien faible. Le train de nuit véhicule un imaginaire fabuleux qui est très peu exploité par la SNCF. Aujourd’hui, encore plus qu’avant, nous avons besoin de rêver.

L’histoire de la ligne Paris Nice est extraordinaire, mais l’anonyme train Intercités 5771 l’a oublié.

Train bleu affiches publicitaires

Qui est prêt à relever le défi ?

Paris et Nice sont deux pôles économiques riches et peuplés. De plus la distance est juste parfaite pour le train de nuit. S’il y a une relation qui peut fonctionner en France, c’est bien celle-ci. La demande est là et n’a qu’à être stimulée par des produits et des services innovants.

À quand le « Train Bleu » du XXIe siècle ? L’État a sa part de responsabilité, mais aussi les transporteurs ferroviaires, à commencer par la SNCF, qui doit être plus créative et audacieuse en s’associant, par exemple, avec une start-up comme Midnight trains, qui veut réinventer le train de nuit !

Provence

Commentaires

10 Commentaires 

  1. Article fort intéressant ! Paris Nice de nuit c’est un beau souvenir d’enfance

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    • Bonjour, j’ également travaillé sur ce superbe train en 1981. Je me souviens du remplissage du train les vendredis en gare de Villeneuve St Georges. Quelle épopée ! Merci pour ce bel article.

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  2. Bonjour Jacques, tous mes vœux de bonheur pour cette nouvelle année.
    Tu dois venir en Égypte pour essayer le train de nuit le Caire – Assouan !

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    • Bonjour Pascale ! Tous mes voeux également 🙂 En fait j’ai déjà pris le train Le Caire Assouan deux fois : La première au début des années 80 lorsque c’était un train flamboyant neuf et la deuxième au début des années 2000… Il avait déjà bien vécu !

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  3. Bonjour,
    Article très intéressant et agréable à lire Bravo
    Avez vous l’habitude de voyager en train
    ?
    Bonne journée

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    • Bonjour,
      Merci!
      Oui j’ai travaillé pendant mes 5 années d’étudiant comme steward dans les trains de nuit. Ensuite j’ai travaillé dans l’aérien mais depuis ces dernière années je voyage très régulièrement en train.

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  4. J’ai effectué le trajet Paris Austerlitz – Nice dans le nuit du 21 au 22 aout et le trajet Nice – Paris Austerlitz. Déjà que ma passion pour les transports en commun est forte, le train de nuit est une des passions incroyables. Grace au Pass Rail mis en place par l’état j’ai pu bénéficier de billets a 0€ pour le train de nuit en place assise. Cette ligne est une merveille le long de la mer. Le temps de route ne me derange absolument pas car plus le trajet est long plus j’adore. En plus les trains de nuits circulent en corail, mes trains préférer qui malheureusement vont bientot partir de la circulation.

    Sinon…Tres bel article passionnant à lire, je m’imaginais encore dans le train de nuit.

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    • Il faut tenter de relancer le Train Bleu version annee 1970.
      Et prendre le temps de se deplacer..
      Merci

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    • Merci pour ce beau retour d’expérience. Je déteste l’avion et suis une grande nostalgique des trains de nuit d’antan. J’ai adoré le palatino qui allait à Rome, le Thalgo pour Barcelone, etc.
      Somme toute, votre récit me donne envie de tester ce train de nuit de Paris à Nice et retour.

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