En route vers l’oasis méconnue de Siwa dans le désert Libyque

L’oasis de Siwa se mérite, car il faut neuf heures de voiture pour la rejoindre depuis le Caire. Mais sur place c’est un enchantement !

Trois semaines du Caire à Siwa puis Alexandrie et le Sinaï

En avril 2024, nous sommes partis trois semaines en Égypte à la découverte du Caire, puis de l’oasis cachée de Siwa, de la fabuleuse Alexandrie et enfin du Sinaï. Nous avons construit ce voyage en indépendant, conçu pour sortir des sentiers battus dont je vous dévoile le récit à travers trois articles :

J’ai également rédigé un autre article avec quelques clés pour voyager en indépendant en Égypte, afin que vous puissiez, vous aussi, profiter pleinement de ce pays extraordinaire.

Tous les textes en couleur corail indiquent un lien interne ou externe que je vous invite à cliquer.

Siwa est classée rouge par le ministère des affaires étrangères français!

Notre première raison d’aller à l’oasis de Siwa est de rendre visite à des amis franco-italiens qui s’y sont installés depuis quelques années et qui nous vantent les lieux.

Nous avions longtemps hésité à aller les voir, car cette partie du pays est classée rouge par le ministère des Affaires étrangères français. Cela signifie qu’il est formellement déconseillé d’y aller. Il est dit que « Le désert occidental est une zone à risque où les forces armées mènent à maintes reprises des opérations contre les trafiquants. L’infiltration d’éléments terroristes depuis la Libye n’est pas à exclure, avec un risque d’enlèvements. » Siwa est considéré comme la Syrie ou le Yémen actuellement !

Pas du tout encourageant !

Nous regardons d’autres sites, et le Foreign Office britannique a classé la route vers Siwa et l’oasis en zone verte, c’est-à-dire en risque limité ! Le Canada, la Belgique font les mêmes recommandations.

Conseils aux voyageurs Siwa

Nous échangeons avec nos amis, Pascale et Sergio, qui vivent dans l’oasis et nous rassurent. L’armée et la police sont très présentes et sauf à se mêler à des convois clandestins pour des trafics vers la Libye toute proche, nous ne risquons pas grand-chose.

Nous décidons donc de tenter l’aventure.

La longue route du Caire vers Siwa : neuf heures de voyage!

Il faut près de neuf heures pour se rendre en voiture du Caire à Siwa. Bien qu’il existe une route directe à travers le désert, mais elle est interdite par l’armée. Le seul moyen est de passer par la côte méditerranéenne. Cela représente un détour de 300 km. Pour un itinéraire un peu plus diversifié, nous décidons de faire une partie du trajet en train puis en voiture.

Comment aller à Siwa ?

Le Caire Alexandrie en train

C’est donc en train que nous allons jusqu’à Alexandrie, avant de continuer jusqu’à Siwa en voiture. Et comme j’adore le train, je suis ravi de pouvoir découvrir les chemins de fer égyptiens !

Au Caire, nous nous rendons à la belle gare Ramsès située dans le centre-ville et accessible en métro. Elle tient son nom de la statue colossale du Pharaon, Ramsès II, qui trônait sur la place juste en face. Mais en 2006, les autorités locales ont décidé de la déplacer près du Grand Musée Égyptien, à proximité des pyramides.

Le hall de la gare, très coloré, se distingue par son style inspiré de l’Égypte antique. Il est prolongé par une belle verrière. Même si vous ne prenez pas le train, je vous conseille de venir la visiter. D’autant plus que, juste à côté, se situe un petit musée du Chemin de fer égyptien que j’ai trouvé très intéressant à visiter.

Gare Ramses Le Caire

Pour aller à Alexandrie, nous voyageons avec un train VIP Special Express. Ils arborent une belle carrosserie en inox, rappelant le Mistral qui reliait autrefois Paris à Nice. Les fauteuils en Première classe sont moelleux et larges, mais montrent des signes importants d’usure !

Train VIP

Après avoir quitté les banlieues du Caire, nous traversons le delta du Nil. Cette région est le cœur de l’agriculture égyptienne depuis l’Antiquité. Le relief est bien évidemment très plat ! Tout au long du parcours, je réalise que la pression démographique est forte et que l’emprise des villages et des villes sur les champs est déjà bien avancée. Les vitres de mon train sont trop sales, et donc je n’ai aucune photo à partager. C’est après deux heures trente de trajet que nous arrivons à notre terminus, dans la jolie gare d’Alexandrie qui date du début du XXe siècle.

Gare Alexandrie

Alexandrie Siwa en voiture

Un chauffeur nous attend à la gare d’Alexandrie. Nous partons plein ouest, le long de la côte méditerranéenne, par une immense autoroute absolument vide. Après trois heures de trajet, nous bifurquons vers le sud, empruntant une route toute droite à travers un désert de pierres sans grand intérêt.

Seuls quelques points de contrôle où nous devons montrer nos passeports et faire inspecter nos bagages rythment notre parcours. Il est vrai que la frontière libyenne n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres et fait l’objet de nombreux trafics, allant du plus innocent, comme l’électroménager, au plus douteux, comme la drogue ou les armes.

Le trajet est tellement tranquille et monotone que notre chauffeur a remplacé son rétroviseur par une petite télévision diffusant une télénovela brésilienne !

Route vers Siwa

L’oasis de Siwa existe vraiment : ce n’est pas un mirage!

Après trois heures supplémentaires sur une route ennuyeuse, nous nous demandons ce qui nous a poussés à venir jusqu’ici, dans cet endroit perdu au bout du monde.

Une oasis comme dans Tintin

Et puis, enfin, Siwa ! Nous quittons le plateau désertique, couvert de pierres, pour plonger dans une immense dépression où de vastes lacs se détachent au milieu d’une luxuriante palmeraie.

Notre première impression est celle d’une véritable oasis, tout droit sortie d’une BD d’Hergé ! Cela éveille immédiatement notre imagination. Une oasis, c’est un peu comme une île, sauf que la mer est ici remplacée par des dunes de sable.

Première vision de Siwa

Nous arrivons dans le centre-ville de Siwa, qui s’organise autour d’une petite place entourée de charmants bâtiments en pisé.

Siwa

Après l’agitation frénétique du Caire, Siwa nous apparaît comme une bulle de tranquillité. Notre chauffeur nous conduit directement chez nos amis, Pascale et Sergio.

Nos amis Pascale et Sergio

Pascale, française, et Sergio, italien, se sont installés à Siwa il y a de nombreuses années, séduits par l’oasis et son riche passé remontant à l’époque pharaonique, marquée notamment par la visite d’Alexandre le Grand auprès de l’oracle d’Amon.

Sergio, passionné d’égyptologie, a fondé la bibliothèque des Lions Noirs, située dans le centre de l’oasis au pied de la forteresse de Shali, en cours de rénovation. Cette bibliothèque rassemble une importante collection d’ouvrages consacrés à l’oasis et est ouverte aux visiteurs et chercheurs.

Pascale, de son côté, est écrivaine et blogueuse. Son premier roman « Le temple caché de Zerzura ou l’épopée de la pierre d’Amon» s’inspire des mystères de Siwa de l’Antiquité à nos jours. Son blog pascale-bellamy.com raconte ses récits de voyages de destinations comme le Soudan ou l’Arabie Saoudite qui sont encore peu touristiques.

Pascale et Sergio parlent égyptien, ce qui leur a permis de nouer des relations avec les habitants de Siwa. Ils vivent dans une petite maison entourée d’un vaste jardin avec des animaux de toutes sortes, la passion de Pascale, et des cultures qui poussent grâce à l’eau abondante de l’oasis.

Pascale, Sergio, l'auteur et son conjoint

À la découverte de la Siwa Berbère

Siwa est unique en Égypte, car ses habitants sont des Berbères, un peuple que l’on retrouve surtout au Maghreb, en Lybie et dans le Sahara central. La communauté a été isolée du reste du pays jusqu’au début des années 80, lorsque fut construite la route bitumée vers la côte méditerranéenne et Marsa Matrouh.

Une autre façon d’appréhender le temps à Siwa

Après la frénésie de notre séjour au Caire, nous apprécions le calme de Siwa.

Siwa est un lieu où il faut prendre le temps pour s’imprégner de son atmosphère. Sa visite peut se faire sur une journée, mais ce serait faire un long trajet pour repartir frustré. Nous sommes restés une semaine, à simplement déambuler dans l’oasis et à nous reposer dans le jardin de nos amis.

Profiter de Siwa c’est, par exemple, se rendre en moto-taxi à l’ile de Fatnas juste pour bénéficier de la jolie vue sur un lac salé avec un thé à la menthe allongé sur des coussins. C’est regarder le coucher de soleil sur les palmiers ou, le soir, se prélasser dans des bains thermaux.

Fatnas

Nonchalance Siwa

Repos à Siwa

Pour déjeuner, nous prenons vite nos habitudes au restaurant chez Abdu dans le centre du village. La cuisine y est très bonne pour un prix très correct.

Une oasis où ne rencontrons que des hommes

Pendant notre séjour, nous rencontrons plusieurs Siwis, mais uniquement des hommes ! Même si certains nous donnent une impression de modernité et d’ouverture sur le monde, la société siwi reste encore très conservatrice. Les femmes vivent recluses chez elles et ne peuvent croiser d’autres hommes que ceux de leur famille proche. Lorsqu’elles sortent, elles sont recouvertes du tarfutet, un voile intégral qui enveloppe tout le corps, y compris le visage.

Nous apprenons d’ailleurs que les hommes siwis n’ont jamais rencontré les femmes de leurs amis ! En revanche, notre amie Pascale a pu se lier d’amitié avec plusieurs femmes siwis. Elle décrit ces rencontres comme très joyeuses et chaleureuses.

De l’eau, de l’eau, mais salée !

Siwa compte plusieurs lacs salés de grandes étendues. Ils donnent à l’oasis un visage champêtre, mais par endroits industriel, car ils font l’objet d’une exploitation d’extraction de sel. L’eau des lacs est aussi dense que celle de la fameuse mer morte en Jordanie. Nous y avons passé un bon moment de détente !

Lacs eau salée Siwa

L’eau douce de Siwa provient soit de sources locales, soit surtout d’une nappe phréatique qui s’étale sur 2 millions de kilomètres carrés sous le Sahara ! C’est la plus grande source d’eau fossilisée du monde, ce qui est tout à fait incroyable.

Malheureusement, l’abondance d’eau a entraîné une mauvaise gestion qui commence à avoir des conséquences catastrophiques pour l’oasis. L’eau est puisée dans le sol et irrigue les cultures par un système de canaux et de mini-écluses. Cette méthode est peu économique, et le surplus d’eau est rejeté dans les lacs, ce qui provoque leur montée et une salinisation des sols. Les Siwis ont même été obligés, à certains endroits, de construire des digues pour se protéger. Un comble dans un environnement désertique ! La solution est de progressivement introduire l’irrigation des cultures par la technique du goutte-à-goutte.

Cultures Siwa

La magie du désert

Autant le désert au nord de Siwa, en provenance de la côte méditerranéenne, est inintéressant, autant la partie qui s’étend au sud est fascinante. C’est un désert de sable avec des collines rocheuses qui forment un magnifique paysage. Il était possible d’y dormir dans des camps, mais les autorités ont interdit l’accès au désert, sauf dans l’environnement immédiat de l’oasis.

Sergio nous emmène cependant dans sa voiture pour avoir un aperçu des beautés de ce désert, rendu irréel par une petite tempête de sable voilant le ciel d’une couleur jaune.

Désert autour de Siwa

Le désert, c’est aussi la nuit. Nous nous y allons avec Sergio, Pascale et quelques-uns de leurs amis siwis. Perdus dans une obscurité totale, nous passons une soirée allongée sur des tapis et des coussins, à deviser et observer le ciel étoilé. S’éloigner seul, en marchant pieds nus dans le sable devenu froid, est une sensation étonnante que les mots ne peuvent décrire. On se sent presque aussi isolé que dans l’espace !

Nuit dans le désert

Le Siwa des milles et une nuit

Un des meilleurs moments de notre séjour est une soirée mémorable à l’hôtel Adrère Amellal.

C’est un écolodge situé un peu à l’extérieur de l’oasis, au pied de la montagne blanche qui ressemble à une immense table en pierre. L’hôtel, construit en karshef, n’est éclairé que par des bougies et des torches. L’ambiance est tout simplement magique. Si notre dîner est à un prix abordable, il n’en est pas de même pour l’hébergement. Il faut compter au minimum 600 USD pour une chambre double. Sachez que le prince Charles y a résidé ! Plutôt une bonne référence ?

Hotel Adrere Amellal

Si vous n’avez pas les moyens de vous offrir l’hôtel Adrère Amellal, il existe des lodges plus modestes, mais plaisants, avec leurs petites maisons éparpillées dans de jolis jardins et leurs piscines thermales comme le Mountain Camp Ali Khaled.

À la découverte de la longue histoire de Siwa

L’histoire de Siwa remonte à l’antiquité et nous profitons de notre séjour pour en visiter les lieux les plus emblématiques

La forteresse de Shali

La forteresse de Shali est située sur une colline. Jusqu’au début du XXe siècle, c’était le cœur de la cité, où les Siwis vivaient en communauté, à l’abri de grosses murailles pour se protéger des attaques éventuelles. Toutes les constructions sont faites d’un mélange de boue et de sel appelé karshef. Mais en 1926, de fortes pluies inhabituelles ont littéralement fait fondre les bâtiments conçus pour un climat sec ! Les Siwis ont alors abandonné la forteresse pour s’installer dans l’ensemble de l’oasis.

Forteresse Shali après les pluies 1926

Depuis, la forteresse fait progressivement l’objet d’une restauration partielle, permettant de se remémorer l’architecture labyrinthique et élevée. Nous grimpons à son sommet, d’où nous avons une vue spectaculaire sur toute l’oasis.

Forteresse de Shali

La forteresse se trouve juste à côté du centre du village qui est petit à petit rénové avec des façades en karshef ce qui lui redonne du caractère.

Centre Siwa

Le temple de l’oracle d’Amon

Nous nous rendons ensuite à l’autre haut lieu historique de Siwa : le temple de l’oracle d’Amon, qui date de l’époque pharaonique. Situé sur une colline, le temple est aujourd’hui en ruines, mais le site inspire le respect et impose le silence à ses visiteurs.

L’oracle était un médium prestigieux, connu dans une grande partie du monde. On arrivait de loin pour entendre ce que les dieux avaient à répondre aux questions politiques ou personnelles. Même Alexandre le Grand est venu le consulter, après un long voyage, pour avoir la confirmation qu’il était bien le fils du dieu Zeus-Amon. Plus de 2 500 ans après sa construction, la salle de l’oracle est toujours debout.

Temple d'Amon Siwa

La montagne des morts

La montagne des morts, Gaba al-Mawta, est aussi un autre lieu historique à visiter. Ce sont des tombes rupestres creusées dans la montagne qui datent de l’époque pharaonique, ptolémaïque et romaine. Elles ont été utilisées par les Siwis comme abris lorsque les Italiens ont bombardé l’oasis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Au loin nous apercevons le temple d’Amon sur son socle rocheux qui domine l’oasis.

Montagne des morts

Le Bain de Cléopâtre

Mon endroit préféré à Siwa ! Pendant notre séjour, nous allons chaque jour nous baigner tôt le matin au Bain de Cléopâtre, situé à côté de la maison de nos amis. C’est un grand bassin rond alimenté par une source thermale à la température idéale pour se rafraîchir. Notre petit rituel est chargé en émotion, en sachant que la grande reine Cléopâtre s’y serait baignée elle aussi.

Bain de Cleopatre

C’est un lieu incontournable pour les rares touristes qui font le chemin jusqu’à Siwa. Cela me donne la possibilité de photographier des instagrammeuses branchées et décalées posant devant un groupe de jeunes Cairotes éberlués.

Instagrammeuses

Wada’an Siwa ou au revoir Siwa!

Notre semaine à Siwa passe vite. Elle fut riche en découvertes et en rencontres, et nous l’avons explorée dans d’excellentes conditions grâce à nos amis Pascale et Sergio. Bien qu’il faille plus de neuf heures de route depuis Le Caire, l’oasis mérite votre visite, à condition de savoir prendre le temps. Si vous y venez en coup de vent et que vous vous arrêtez à une première impression, vous serez déçu.

Nous quittons Siwa enchantés, mais aussi inquiets à cause de la fragilité de ce lieu. Une mauvaise gestion des ressources d’eau ou un afflux trop important d’une nouvelle population pourraient détruire ce petit paradis.

Nous gardons précieusement en mémoire ces étendues incroyables  d’eau au milieu du Sahara égyptien à la frontière de la Libye. 

Les lacs de Siwa

Wada’an Pascale, Sergio, Mohammed et à nos autres amis Siwis que nous avons rencontrés pendant notre séjour trop court !

Bye bye Siwa

Commentaires

3 Commentaires 

  1. Quel magnifique dépaysement, cela fait vraiment rêver…..et les photos retracent parfaitement l’endroit décrit .
    On enrichit nos connaissances , à vrai dire très pauvres concernant ce lieu qui semble magique .

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  2. J’ai bien pris mon temps de toute lire l’Égypte magnifique pays avec c’est histoire culture je vais souvent en Égypte pas encore eux l’occasion d’aller jusque siwa merci pour se magnifique partage c’est belle

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